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faict et entrèrent les compaignons, qu’estoient bien terribles à voir, en sa chambre. Et quand il les vist, il feut bien esbahi, et veindrent de faict à lui. Et avoit-on faict faire tous habillemens nouveaux, chemise, gippon, robe, chausses, bottes, qu’on portoit. Et le prindrent, et il disoit plusieurs paroles, et le dépouillèrent et lui vêtirent les dictes choses qu’ils avoient apporté, et estoit grand pitié le voir, car son corps estoit tout mangé de poux et d’ordures. Et si trouvèrent la dicte pièce de fer. Et toutes fois qu’on le vouloit nettoier, falloit que le feust par la dicte manière. »

Sur l’état du Roi pendant l’intervalle des accès, les contemporains nous ont laissé des indications très diverses et parfois contradictoires. Il est un caractère cependant qu’ils s’accordent à noter : c’est l’extrême instabilité de l’état mental.

Le Religieux s’exprime en ces termes : « Le Roi avait parfois des intervalles de calme… Mais soudain on le voyait changer : il frémissait et criait, comme s’il eût été piqué de mille pointes de fer, et se disait poursuivi par ses ennemis. »

Jean Brandon écrit dans le même sens : « Nec sensum, nec intellectum habebat discernandi inter bonum et malum. Aliquandotamen lucida sibi provenerunt intervalla… Sed, in ictu oculi conversus, fantaziando loquebatur. »


V. — LES INTERVALLES LUCIDES

Les troubles relevés chez le Roi pendant l’intervalle des accès portent sur l’attention, la mémoire, l’affectivité, la volonté.

Très fréquemment, le Roi se montre distrait, inattentif, étranger à tout ce qui se passe autour de lui. Il est incapable de surveiller ses serviteurs, qui en profitent pour mettre ses biens au pillage. On lit, à ce sujet, dans le Songe véritable, ces vers, confirmés par le livre des comptes de la Maison royale :


Il n’a joyaux en garde robe,
Et son trésor on ly dérobe.
Il en pert bien aux bons atours.
Que ont ses pauvres servitours.


En même temps que l’attention, la mémoire est troublée. « Il revint assez en bonne mémoire, dit Monstrelet, non pas telle que paravant il avait eue… Et, pour cette douloureuse