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Le Religieux de Saint-Denis écrit : « Le Roi ne restait pas toujours dans cet état de folie. Il assistait alors au Conseil, recevait les ambassadeurs, et répondait à tout avec assez de bon sens. »

Jean Brandon note également l’existence d’intervalles lucides : « ut optime sentiret et responderet per tempus ad bene disponendum de multis. »

L’attention du Roi, si souvent distraite, était capable, à certains momens, de se fixer. Si l’on s’en rapporte au texte du Religieux de Saint-Denis, le Roi écoute longuement les ambassadeurs, répond point par point à leurs discours ; il donne audience à ses sujets, accueille les requêtes, rend des ordonnances, accorde des grâces. Sa repartie serait non seulement prompte, mais encore pleine d’à-propos. Il aurait pris une part active aux épineuses négociations du schisme, et discuté un jour avec l’empereur Wenceslas la possibilité d’une entente commune au sujet des affaires pontificales.

Mais les documens d’archives sont ici plus intéressans que les déclarations d’un historien officiel. Or on retrouve dans les Comptes de la Maison du Roi des textes permettant d’établir que Charles VI, dans les intervalles de ses accès, s’adonnait non seulement aux jeux d’adresse : tir à l’arc, à l’arbalète, jeu de paume, chasses, tournois, etc, mais encore aux jeux de combinaison, notamment aux cartes et surtout au trictrac, et aux dames.

En août 1413, nous voyons le Roi diriger en personne les opérations d’une sorte de scrutin parlementaire. C’est de Baye, greffier de la Cour, qui a rédigé le compte rendu de cette élection : « Li Roiz notre sire entra après sa messe finée en sa chambre de Conseil… et, par le commandement du Roi, allèrent tous hors de la chambre, hors le Roi… Et moi de Baye, le graphier de la court… Je fis jurer par le commandement du Roi un chacun successive… Et après tous aussi nomma le Roi et donna sa voix a celui qui vollt… Si me commanda le Roy, que les huis dudit Conseil ouvers, je publiasse le dit scrutin… Et, ce fait, se leva le Roi, et s’en ala chacun en sa chascune, combien que avant le département fu supplié au Roy d’aucun seigneur qu’il donnât ce lieu de quart président…, qui vacoit, à maistre J. de Wailly, naguère chancellier de Guienne. »

La mémoire du Roi, autant que son attention, se révèle, dans