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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/864

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on conçoit que Charles VI ait été entouré de bouffons qui devaient essayer de le distraire. » Mais ceci n’est plus un diagnostic et on ne peut savoir quelle importance attachait au juste Moreau de Tours à la notion de cette « noire mélancolie » dans un cas de « manie périodique. »

Enfin A. Brachet, dans son livre d’une documentation admirable, sur la Pathologie des rois de France (1903), s’est inscrit en faux contre le diagnostic de tous les autres auteurs.

« Aux conclusions des aliénistes, dit-il, qui n’ont trouvé d’autre formule de la folie de Charles VI que celle de manie périodique, consécutive à une cause prédisposante, d’ailleurs imaginaire, l’empoisonnement de son père Charles V, manquant ainsi à toutes les règles cliniques qui imposent au psychiatre la recherche de l’hérédité maternelle, nous opposerons les conclusions suivantes :

Terrain : Lignée maternelle vésanique, lignée paternelle arthritique, consanguinité univoque.

Cause déterminante : fièvre typhoïde, chez le patient, à l’âge de vingt-quatre ans, avec troubles psychiques de convalescence.

Cause provocatrice : insolation, deux mois après.

Définition de la psychose : par l’étude a posteriori des rémissions, on doit conclure à la confusion mentale.

Or, c’est précisément la confusion mentale qu’indique a priori l’étiologie, comme forme de la psychose consécutive à l’infection (cf. les travaux de Séglas, Ph. Chaslin). Dès lors, on peut affirmer, au point de vue de l’histoire, l’incapacité gouvernementale complète de Charles VI pendant les quarante-deux rémissions de ces trente années de folie (à l’inverse de ce qui se passe, par exemple, dans la folie circulaire).

Conclusion : Folie infectieuse chez un héréditaire, à hérédité maternelle vésanique, à hérédité paternelle arthritique. »

Notons enfin l’existence d’une thèse de M. J. Sallet (de Toulouse, 1907), sur la folie du roi Charles VI, dans laquelle l’auteur se borne à adopter et à transcrire les conclusions d’A. Brachet.

Cet aperçu historique nous montre donc les diverses théories pathogéniques et nosologiques de la folie, aux prises, à travers les siècles, avec un cas complexe et d’interprétation difficile. Le moyen âge applique sa pathogénie ordinaire d’empoisonnement