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Enfin des insectes qui meurent sans jamais voir leur progéniture savent, quand c’est nécessaire, discerner, sous terre et dans une obscurité complète, le point précis où doit être pondu l’œuf. Ainsi, la larve de cétoine est six ou sept cents fois plus grosse que le ver de la scolie nouvellement éclos. Or il faut, sous peine de mort, que l’attaque ait lieu en un point unique et c’est en ce point, précisément, que la mère pond toujours l’œuf. Les chenilles de l’Eumène sont incomplètement paralysées ; aussi l’œuf n’est-il pas pondu sur les vivres, mais suspendu au dôme de la cellule, par un filament en forme de fourreau, dans lequel le ver trouve un refuge contre la dent des victimes, entamées peu à peu.

On allongerait indéfiniment ces récits. Nous nous en tiendrons là pour l’insecte parfait ; mais il faut donner des exemples qui témoignent de la science de la larve. Le ver du scarabée sacré répare très bien les brèches faites à l’enveloppe de la poire qu’il mange et qu’il habite ; et il utilise à cet usage ses déchets digestifs ; procédé éminemment économique. La larve de la scolie nous déroute par l’ordre qu’elle met à consommer sa victime. Elle procède du moins nécessaire au plus nécessaire, pour la conservation d’un reste de vie jusqu’à la fin. D’abord, elle absorbe le sang qui sort de la blessure qu’elle fait à la peau ; puis elle passe aux matières grasses enveloppant les organes internes ; ensuite à la couche musculaire tapissant la peau ; enfin, en dernier lieu, aux organes essentiels et aux centres nerveux. Cette atroce agonie peut durer une quinzaine de jours !

Les vers de la Mouche bleue de la viande liquéfient la viande, pour s’en abreuver. Gros et gras, ils quittent le cadavre en perforant l’épiderme et s’enfoncent sous terre, afin d’éviter d’être la proie du dermeste, consommateur des arides reliques animales. Et avec tant de sagesse ils sont dépourvus de tête. Enfin, sachant les misères qui les attendent lorsque, devenus mouches délicates, ils ont à remonter à la surface du sol, ils ne s’enterrent pas trop profondément. Mais voici les observations sur la larve du Cerambyx cerdo. Son bilan sensitif se résume dans le goût et le toucher, l’un et l’autre très obtus : ce n’est qu’un bout d’intestin qui chemine. Or ce néant est capable de prévisions merveilleuses. Trois années la larve divague dans l’épaisseur d’un tronc d’arbre. Le capricorne qui en est issu ne peut se frayer un passage dans le bois. C’est alors le ver qui lui