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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/888

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ment les inconséquences du sphex, celles du pélopée, etc., rapportées plus haut.

Cette incitation instinctive, inconsciente, est innée. Elle se transmet par hérédité, au même titre que le rythme du cœur ou des poumons. Chez les insectes constructeurs, il y a un ordre d’architecture, connu sans être appris, qui les incite à bâtir suivant certaines règles caractéristiques des espèces. L’insecte ignore le noviciat et ses hésitations. Les aptitudes originelles qu’il possède sont accordées ou refusées sans que le temps puisse les susciter, ni une organisation similaire les imposer : la cicadelle écumeuse n’a pas d’imitateur parmi les races les plus étroitement apparentées. Les facultés de l’instinct sont parfaites dès le début ; l’âge n’y ajoute rien. Une heure à peine après la rupture de l’œuf, la processionnaire du pin est processionnaire, filandière, lucifuge. Lorsque le scarabée accourt aux vivres pour la première fois, il obtient d’emblée la forme sphérique parfaite. Invariable, inéducable, imperfectible par l’expérience de l’individu et de la race, l’insecte n’innove jamais dans ses moyens d’action. Génie de la bête, l’instinct se transmet, immuable, d’égale mesure pour toute la série d’une espèce, permanent, général. L’expérience ne l’instruit pas. Il est caractérisé encore par des inspirations soudaines qui brisent à un moment le cours des actes de la vie de la bête, le rendent discontinu, la rejettent dans des voies nouvelles et imprévues, sans rapport les unes avec les autres.

L’instinct est donc impulsif, inné, invariable, soudain, irréversible, inconscient, borné.

V

Comme tous ceux qui ont fait le tour des choses et qui en ont vu les divers aspects, M. Fabre n’est jamais absolu. Il évite toujours l’uniformité d’un système. S’il nous montre la bête semblable à une machine, ce qu’elle reste toujours foncièrement, cette machine est cependant susceptible de varier quelque peu son ouvrage, dans des limites définies. Beaucoup de nouvelles observations en témoignent, et la logique en montre la nécessité. L’intellect de l’insecte n’est pas entièrement défini par ce qui précède ; la fixité absolue de ses actes supporte des tempéramens qui en modulent la surface, sinon le fondement.