Mais arrivons à des faits inintelligibles avec nos ressources. Le grand paon attiré par la femelle, vient dans la nuit de très loin, peut-être de plus de deux kilomètres. Les renseignemens de la vue lui sont inutiles, car si la femelle a séjourné longtemps en un endroit, d’où elle a été retirée depuis peu, il passe auprès d’elle pour aller s’abattre au désert « où ne reste que le témoignage odorant de son séjour. » La nubile doit donc émettre une odeur d’extrême subtilité, mais tout à fait indéterminable par notre olfaction. Ainsi la bête nous révèle des sensations étrangères à notre nature, qui nous stupéfient. Aucune substance odorante ne peut troubler le grand paon. M. Fabre émet alors l’hypothèse qu’il existe deux espèces d’olfactions : l’une, la nôtre, très limitée, serait due à une émission ; l’autre, celle du grand paon, beaucoup plus efficace, serait due à un phénomène ondulatoire. L’odeur aurait donc deux genèses.
Quand il chasse, l’insecte nous déroute encore. Une fois, M. Fabre cherche en vain des vers gris, il fouille depuis longtemps le sol sans résultat. Il s’avise tout à coup de suivre les indications d’une ammophile. L’insecte montre le point convenable et le ver est trouvé. Rien au dehors ne trahit pourtant sa présence ; le ver n’a pas d’odeur et il est invisible sous terre ; de plus, le jour, il ne bouge pas, le son ne peut donc pas intervenir. Alors il faut conclure que l’insecte a d’autres moyens que les nôtres.
Le leucospis, qui explore, avec les bâtonnets de ses antennes, les nids du chalicodome, à surface dure et uniforme, ne plonge sa sonde qu’aux points sous lesquels il y a une cellule ; et cependant les parties massives, sans cellules, équivalent aux vides que forment celles-ci. Le sens antennal, ici comme dans le cas de l’ammophile, nous échappe.
Beaucoup d’insectes ont une mémoire topographique très précise, possèdent le sens du retour au nid. Le bembex, revenant on ne sait d’où, s’abat sans hésitation aucune, sans recherches préalables, en un point qui, pour nos regards, ne diffère en rien du reste de la surface sablonneuse qui dissimule son terrier ; il retrouve une porte que rien n’indique ; comme s’il y avait chez lui une sorte d’intuition des lieux, faculté indéfinissable, car l’inconnu ne peut avoir de nom.
Des chalicodomes, dont les expéditions normales ne dépassent