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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/925

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moyen âge, avec toute sorte de mots archaïques désormais devenus incompréhensibles, mais qu’un érudit justement estimé, le chirurgien William Barrett, avait bien voulu traduire, en note, à l’intention des lecteurs du journal ; et tout l’ensemble de ce curieux morceau revêtait vraiment une allure si naïve, sous l’amusante emphase littéraire de sa forme, qu’à mon tour je vais essayer de le traduire ici :


Le vendredi avait été le jour fixé pour l’ouverture du nouveau pont. Vers le moment de la sonnerie de. la dixième heure, maître Grégoire d’Albenye, monté sur un cheval gris de fer, vint informer le seigneur Maire que toutes choses se trouvaient prêtes. Sur quoi deux massiers allèrent, d’abord, répandant de la paille fraîche ; et puis s’avança un homme vêtu comme suit : culotte de peau de chèvre, avec le poil en dehors, pourpoint et gilet pareils, et, sur eux, un manteau blanc sans manches, ressemblant beaucoup à une aube, mais moins long, car il ne descendait que jusqu’aux reins ; une écharpe d’azur sur l’épaule gauche, atteignant également jusqu’aux reins sur la droite, et puis repassant à gauche, en arrière, et fixée au genou par une boucle d’or ; lequel costume était pour représenter un Elderman saxon.

Dans sa main il portait un écusson, chef-d’œuvre de Gilley de Brogton, qui l’avait peint aussi, y ayant figuré sainte Walburge franchissant le Ford. Puis venait un très vigoureux homme en armure, et portant une grande épée, et après lui venaient six clairons et six ménestrels qui chantaient le lai de sainte Walburge ; et puis venait le seigneur Maire, monté sur un cheval blanc avec un magnifique harnachement noir que les nonnes de Saint-Kenna avaient brodé d’or et d’argent. La tête du cheval était garnie de rubans, et revêtue d’un chaperon avec les anciennes armes de Bristol. Le seigneur Maire tenait dans sa main une verge d’or, et un écuyer nain portait son casque, s’avançant à côté du cheval. Et puis venaient les Eldermen et Frères de la Cité, montés sur des chevaux bruns ; et après eux les prêtres et frères, la paroisse, les religieux mendians et séculiers, quelques-uns chantant le lai de sainte Walburge, d’autres sonnant du clairon et quelques autres de la cithare.

Étant de cette manière parvenus jusqu’au pont, l’homme avec l’épée se mit debout sur le plus haut degré d’une estrade élevée au milieu du pont ; puis vint l’homme avec l’écusson, après lui les ménestrels et clairons, et puis les prêtres et frères, tous en aubes blanches, offrant un coup d’œil magnifique ; et lorsque le Maire et les Eldermen eurent pris leur place, les personnes susdites chantèrent, au son des clairons, le lai de sainte Baudouine ; et puis, cela fait, l’homme qui était monté au plus haut jeta avec, grande force son épée dans la mer, et les clairons sonnèrent la retraite.

Et puis l’on chanta de nouveau le lai de sainte Walburge, et tout le cortège gravit la Hauteur du Christ jusqu’au Calvaire, où un beau sermon latin fut prêché par maître Ralph de Blondeville. Et puis, au son des trompettes, tout le monde revint au pont et y dîna, dépensant le reste du jour en jeux et divertissemens, et les frères de Saint-Augustin jouèrent les