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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/938

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incomparable de constructions religieuses, militaires et civiles, qui s’étagent en un amoncellement cyclopéen du haut en bas du rocher, c’était un travail complet groupant en une vue d’ensemble les recherches monographiques, des connaissances historiques et archéologiques sur le monastère et la ville. Le livre de M. Paul Goût, écrit d’après les sources originales et, notamment, d’après les manuscrits recueillis à la bibliothèque d’Avranches et à la bibliothèque Nationale, fortement étayé sur des connaissances techniques, vient à son heure : au moment où le budget des Beaux-Arts va être discuté et le sort du Mont remis en question, c’est la plus éloquente défense de cette œuvre admirable et unique de la nature et de l’art.

Entre Du Guesclin et Jeanne d’Arc se déroule la période la plus active et la plus féconde de l’art national en architecture, en sculpture et en peinture. Durant la guerre de Cent ans, la célèbre école d’art de Paris et de l’Ile-de-France avait dû essaimer dans les provinces, après s’être adonnée à l’étude de la nature et avoir créé une formule adoptée par les pays voisins, demeurés plus longtemps hiératiques et traditionnels. Au lendemain de cette lutte séculaire, ce fut une véritable renaissance du pays reconquis, et cette Renaissance française[1], qui précéda l’italienne, eut dans l’Architecture nationale son expression la plus complète et la plus éloquente.

« Sur tous les points de France, — écrit M. Marius Vachon, dans le savant et magnifique ouvrage sur les Grands Maîtres maçons, ou plutôt, comme on les appela longtemps, sur ces « maistres d’œuvres de maçonnerie, » qui ont couvert notre sol de tant de merveilles, — jusque dans les villes les plus modestes, les villages les plus obscurs, c’est une éclosion superbe, incomparable de monumens publics et privés, d’édifices religieux. En Normandie, le mouvement fut prodigieux. A Rouen, la vieille cathédrale se pare de son majestueux portail de la Calande, de l’avant-portail des Libraires, si élégant, de la tour de Saint-Romain ; le vaisseau colossal de l’abbatiale Saint-Ouen est achevé ; Pierre Robin rebâtit Saint-Maclou. » A Dieppe, et dans les environs, toutes les églises sont reconstruites, agrandies ou embellies. Dans la Champagne, comme à Orléans, à Tours, à Nantes, au Mans[2], à Reims[3], le nombre des édifices religieux construits ou restaurés n’est pas moins grand. On compte que dans toute la France du milieu du xv° siècle aux premières années du XVIe, 636 églises furent bâties[4], tandis que l’architecture civile n’a pas

  1. Ernest Flammarion.
  2. H. Laurens.
  3. H. Laurens.
  4. Camille Enlart, Manuel d’archéologie française, t. II.