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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/939

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reçu une moindre impulsion. La plupart des grandes cités affirment leur indépendance et leur prospérité nouvelle par la construction d’hôtels de ville qu’elles tiennent à faire aussi beaux et imposans que leur permet leur richesse. Ainsi pour Compiègne, Troyes[1], La Rochelle, Amboise, Orléans, où l’Hôtel de ville orné d’un fier beffroi se complétera par l’érection en son « carroir » d’un pieux monument en l’honneur de Jeanne d’Arc.

Déjà au XIVe siècle, bien longtemps avant les expéditions de Charles VII en Italie, nos maîtres maçons-tailleurs de pierre, le « lathomus ou lathomos, » comme le désignent les documens d’archives du moyen âge, savaient bâtir des manoirs d’un aspect artistique aux intérieurs très luxueux : Pierrefonds, Coucy[2], Meung, Châteaudun abritaient derrière leurs hautes et sévères courtines de pures merveilles d’art. Vers 1218, Marie de France décrit ainsi les peintures qui décorent la chambre d’une grande dame :


La caumbre est painte, tout entiur :
Venus, la dieusse d’amur,
Fu très bien mis en la painture
Les trailz mustrez è la nature
Cument hum deit amur tenir,
Et lealment è bien servir.


De l’architecture du moyen âge à l’architecture de la Renaissance, il y a une filiation directe, ininterrompue, simultanéité et fusion des styles ogival et renaissance. Après les transformations opérées par des maîtres maçons d’une habileté et d’une ingéniosité extraordinaires, les châteaux rajeunis n’en donnent pas moins la sensation de l’architecture du passé, tant cette architecture est vivace, profonde et indéracinable dans l’imagination de tous.

« Quand au dict an 1527, fut commencé à abattre la Grosse Tour du Louvre, par commandement du Roi, pour applicquer le chasteau du Louvre à logis de plaisance, » le chroniqueur du Journal d’un bourgeois de Paris se fait, ainsi, l’écho des doléances et regrets populaires à ce sujet : « Toutesfois fut grand dommaige de la desmolir, car elle estoit très belle, haulte et forte et estoit appropriée à mettre prisonniers de grand renom[3]. »

Les maîtres maçons de la Renaissance maintiendront dans les nouveaux châteaux, de Madrid au Bois de Boulogne, à Pagny, à

  1. H. Laurens.
  2. H. Laurens.
  3. Marius Vachon.