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Commission des Quinze et vice-président de l’Assemblée, qui se trouvait là et que l’abbé Bazin avait prie de prêter son appui à la proposition d’échange avec Blanqui, se joignit à M. Jules Simon. M. Lagarde répondit simplement qu’étant venu avec un pli ouvert, comme négociateur, il ne s’en retournerait pas avec un pli fermé comme commissionnaire. M. Jules Simon insista. M. Lagarde, comme le raconte M. Gautherot d’après son mémoire, persista à refuser de porter une réponse dans les conditions où elle était donnée, sans en savoir le texte ni même le sens. Pour qu’il y eût un tel mystère, il fallait, suivant lui, qu’elle ne fût pas de nature à satisfaire et à calmer les esprits. Et alors il se retira en ajoutant qu’il savait à quelles dures conditions il avait promis de revenir, mais que cette question relevait seulement de Dieu et de sa conscience.

M. Gautherot se demande pourquoi le gouvernement de Versailles n’a pas renvoyé immédiatement le représentant de Mgr Darboy avec une réponse ouverte. « Fallait-il croire, comme l’a dit M. Lagarde, que cette conduite était de nature à autoriser le soupçon d’une déplorable faiblesse, sinon quelque odieuse machination ? » Non. « Disons plus simplement, remarque l’auteur, que Thiers refusait sans nul doute l’échange de Blanqui (nous avons donné plus haut un extrait significatif à cet égard) et qu’il ne voulut aucun intermédiaire pour informer l’archevêque d’une aussi grave nouvelle. » La vérité, facile à deviner, est que M. Thiers, averti par la publication des lettres de M. Deguerry et de Mgr Darboy dans l’Affranchi avant qu’il en eût reçu les originaux, redoutait quelque surprise regrettable. Il ne considérait pas l’abbé Lagarde comme un négociateur et il croyait avoir ses raisons pour cela. M. Lagarde en était offensé. Le soir même, il confirmait par lettre sa décision à M. Jules Simon, au cas où celui-ci, ne revenant pas sur sa communication, le mettrait dans l’impossibilité de retourner à Paris. Il affirmait en même temps que d’autres démarches, tentées par lui pour sauver l’archevêque et les otages, avaient un caractère des plus sérieux et que son devoir lui commandait d’attendre qu’elles eussent abouti. Après cette lettre, les négociations entre M. Lagarde et le gouvernement de Versailles cessèrent naturellement.

Est-il permis de dire après cela que si M. Thiers avait accepté l’échange proposé, le parti modéré de la Commune