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XIIIe siècle. Quand les ouvriers de la sculpture et de la peinture ayant rompu avec les erremens traditionnels des cloîtres et s’étant formés en corporations, — ce que leur avait permis le mouvement des communes, — n’eurent plus les manuscrits ni les modèles gréco-byzantins des monastères, ils s’ingénièrent à imiter les objets où les êtres de leur entourage pour en façonner des statues, des peintures, ou des histoires, des enluminures ou ornemens. Les tâtonnemens durèrent un bon demi-siècle, de Philippe-Auguste à saint Louis. La liberté de chacun nous a valu le naturalisme et les plus admirables sculptures symboliques des cathédrales, quand les Italiens en étaient à Cimabuë. M. Emile Mâle, dans ses études sur l’Art religieux du XIIIe siècle et de la fin du moyen âge en France[1], a donné le sens de cette iconographie et de ses sources d’inspiration.

Le peintre-sellier qui a péniblement créé des thèmes nouveaux reconstitue une esthétique, renouvelle une technique. Sans doute la raideur un peu froide de ses figures tient à ses habitudes de sculpteur, à la complexité et à la diversité de ses aptitudes de métier.

C’est donc, contrairement à l’opinion commune, le XIII9 siècle qui connut les vrais Primitifs de l’art français. A partir de 1296, nous voyons les peintres-selliers prendre de l’importance. Ce n’est qu’en 1391 qu’un nommé Jean d’Orléans obtiendra l’autonomie définitive des peintres et leur séparation d’avec les selliers. À cette date, il y avait juste cent cinquante ans que les statuts des peintres-selliers avaient été rédigés par Etienne Boileau. Avec les statuts de Jean d’Orléans, nous entrons dans la seconde période gothique, celle qui nous vaudra Jehan Fouquet, le Maître de Moulins, et les illustres Avignonnais.

Au XVe siècle, la région du Rhône, restée dans la tradition, avait paru aux artistes la terre promise. Dès les commencemens du XVe siècle, on voit des peintres établis dans la contrée qui ne sont point les descendans directs des gens du siècle précédent, ni les continuateurs de Simone Memmi. Par l’Auvergne, la Touraine ou l’Anjou, — la Provence dépend des princes valois de cette maison, — la tradition artistique française s’infiltre dans le pays. Les ouvriers du Duc de Berry avaient travaillé à Riom, à Clermont-Ferrand ; leur influence gagna le bassin du Rhône.

« Il est maintenant acquis, a pu écrire M. Bouchot, que les inventions attribuées aux Van Eyck étaient connues des Parisiens,

  1. Armand Colins.