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Chenonceau, le dispositif topographique et les aménagemens intérieurs du moyen âge. La construction des édifices religieux nouveaux, ou l’achèvement des anciens, présentera souvent plus que des réminiscences d’œuvres du passé. Sur une ossature tout entière ogivale aux ordonnances architecturales traditionnelles, ils jetteront un vêtement et une parure Renaissance. Saint-Hustache de Paris est le tour de force incomparable, le miracle accompli en ce sens, par le plus audacieux de ces artistes de génie, Rouland Le Roux, le célèbre maître maçon-tailleur de pierre rouennais[1], après avoir bâti le Palais de l’Échiquier, entreprend la construction du Bureau des finances, ensuite il achève le portail de la cathédrale ; Pierre Chambiges, l’architecte de Chantilly[2], élève l’Hôtel de Ville de Paris et le château de Saint-Germain-en-Laye ; Robert Grappin est nommé maître de l’œuvre de l’église Saint-Gervais et Saint-Protais à Gisors ; Colin Byart construit la tour du Nord de la cathédrale de Bourges. Combien d’autres créations glorieuses de maîtres maçons-tailleurs de pierre pourraient être citées en exemple de cette simultanéité de la pratique parfaite de l’architecture ancienne et de l’architecture nouvelle ? Après avoir montré, dans la première partie de son ouvrage, la spontanéité de l’architecture nationale et redressé bien des erreurs avec autant d’ardeur que de conviction, notamment la légende du panitalianisme, « qui a fait attribuer pendant longtemps tous les grands édifices français de la Renaissance aux deviseurs de plans italiens venus en France dans les fourgons de Charles VIII et de Louis XII, puis accueillis par François Ier, ou spontanément accourus pour faire des affaires dans notre pays, » M. Marius Vachon consacre toute la seconde partie aux monographies des grands maîtres maçons-tailleurs de pierre et à la description de leurs créations architecturales essentiellement françaises, et il conclut que : « Dans l’architecture de la Renaissance française tout, — idées formes et matériaux, esthétique et technique, — est de notre pays, est sorti de son cerveau, de son cœur, de son âme, a été mis en œuvre par ses artistes et ses ouvriers pour la satisfaction de son idéal constant et impérissable de grandeur et de beauté. »

Les artistes de cette Renaissance, architectes, sculpteurs, orfèvres, enlumineurs ou peintres, furent d’humbles artisans, quel qu’ait été leur génie. De même que pour les maîtres-maçons, la condition des peintres-selliers est celle de tous les gens de métier à Paris au

  1. H. Laurens.
  2. H. Laurens.