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Flotte ne fut pas plus heureux que ses prédécesseurs. M. Thiers lui répondit comme aux autres que « rendre Blanqui à l’insurrection, ce serait lui envoyer une force égale à un corps d’armée, mais qu’il l’autorisait à dire à l’archevêque de Paris qu’il n’oublierait rien pour le tirer de sa triste position. » A quels moyens pensait M. Thiers ? Mais à des offres faites à divers chefs de l’insurrection pour obtenir de leur cupidité la délivrance des otages. « Plusieurs membres de la Commune, écrivait M. Villetard en 1878, furent mis d’une façon plus ou moins directe en rapport avec M. Thiers et discutèrent les conditions auxquelles ils se faisaient fort d’obtenir la liberté des otages et d’empêcher la destruction de Paris. » Protot, Dombrowski et Félix Pyat étaient de ceux qui furent pressentis. Le colonel Nitmann avait été un des intermédiaires. Si un million n’eût pas suffi, on eût offert deux millions et plus. M. Gautherot cite M. Froment-Meurice et M. Frémy, gouverneur du Crédit foncier, comme ayant été prêts à seconder les tentatives de rançon. Elles échouèrent de part et d’autre, mais il n’en demeure pas moins vrai que M. Thiers les avait fortement appuyées. Il a tout fait pour éviter tant d’horreurs. « Si cela ne dépendait que de moi, disait-il à l’Assemblée le 27 avril, si cela ne dépendait que de quelques sacrifices qui ne fussent pas des sacrifices de principes, s’il ne s’agissait que de sacrifices d’orgueil personnel, il n’en est pas que je ne fisse pour mettre fin à cette horrible guerre ! » Je me souviens alors que l’Assemblée tout entière, partageant son émotion, se leva pour l’applaudir et pour l’acclamer. Ce qui prouve que l’archevêque lui-même se doutait de toutes ces démarches, c’est que, la veille même du massacre, il disait à l’abbé Amodru : « Protot m’a certifié que, si la Commune avait pris des otages, c’était pour obéir aux exigences des bas-fonds de la démagogie et que si, par impossible, elles rendaient une exécution nécessaire, jamais un membre du clergé ne serait désigné pour victime. » L’archevêque croyait encore que les insurgés n’auraient pas le temps de réaliser leurs sinistres desseins et qu’on arriverait assez tôt pour délivrer les prisonniers. C’était aussi la pensée de M. Thiers qui comptait entrer à Paris par surprise et forcer les prisons. Il n’est donc pas permis de dire que ses réticences et ses hésitations, ainsi que ses