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comme d’abus faisait peu à peu des parlemens les arbitres de la question. Leur jurisprudence devait faire triompher Un jour la législation dont elle était l’application. L’Église gallicane finit par reconnaître le droit du pouvoir civil de légiférer en matière matrimoniale et adopta en principe les précautions qu’il avait ajoutées à celles dont l’Eglise universelle s’était contentée. La première se départait bien un peu par-là du parti pris d’idéalisme optimiste auquel le sacerdoce catholique dans son ensemble est voué par l’esprit évangélique, mais cela ne coûtait rien à ses devoirs ni à sa dignité. Sa complaisance pour les intérêts de l’ordre public ne faisait d’ailleurs que fortifier la stabilité d’une institution à laquelle elle ne s’intéressait pas moins que la société civile. Il y eut même à tout le moins une circonstance où elle alla plus loin, où elle admit que le sacrement ne peut exister que s’il a pour matière un contrat dont il appartient au pouvoir séculier de régler les conditions et dont la caducité entraîne celle du sacrement lui-même. Ce fut quand l’assemblée du clergé de 1635, les docteurs les plus autorisés de la faculté de théologie et les communautés religieuses de Paris se trouvèrent d’accord pour se prononcer contre la validité du mariage de Gaston d’Orléans et de Marguerite de Lorraine. La question de savoir si le mariage de l’héritier présomptif de la couronne était, à raison de cette qualité et du défaut de consentement du Roi, vicié par la clandestinité et le rapt n’est ici que secondaire. Ce qui importe, c’est la théorie de la nécessaire dépendance du contrat et du sacrement dont l’évêque de Montpellier, Fenouillet, se fit l’interprète au nom de l’assemblée. Cette distinction n’était pas nouvelle, elle s’était produite au concile de Trente, mais dans un intérêt de circonstance, comme un expédient de logique pour arriver à l’annulation des mariages clandestins et avec une réserve qui en prévoyait le danger sans le conjurer. Si, pendant la période qui nous occupe, le germe redoutable qu’elle couvait ne manifesta pas sa fécondité, le temps n’était pas bien éloigné où les civilistes allaient s’en emparer pour en faire éclore le principe du mariage civil.

C’était beaucoup pour la réforme de l’institution que les deux pouvoirs se fussent mis d’accord sur ses conditions de légalité. On peut affirmer que sa moralité dut profiter de l’application plus suivie de principes communs. On avait à cet égard à revenir de loin. Les guerres civiles, la licence qui en avait été