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IX

Au milieu de son triomphe diplomatique, Bismarck eut deux déconvenues : l’une venant de l’Espagne sur la complicité de laquelle il comptait, l’autre de la Roumanie sur laquelle cependant régnait un prince prussien.

Le gouvernement espagnol, partageant les suspicions de notre Droite, n’avait pas cru l’affaire terminée par la renonciation du prince Antoine au nom de son fils. Il avait attendu la notification de Léopold avec qui il avait traité, et ce ne fut qu’après avoir reçu, le 14 juillet, de son ministre à Berlin l’assurance que ce prince confirmait l’acte de son père, qu’il avait considéré cet acte comme un fait authentique pouvant motiver des résolutions officielles. Il s’était alors empressé d’en transmettre la nouvelle au président des Cortès en le priant d’annuler la convocation faite pour le 20 de ce mois. Le soir même, Ruiz Zorilla réunissait la commission permanente et, après de longs débats animés, par 9 voix contre 4, la convocation fut annulée.

Bismarck ne rendait pas responsable son compère Prim d’une renonciation qu’il attribuait aux princes de Hohenzollern. Persuadé de sa fidélité à l’accord conclu, il lui fit demander quel serait le contingent sur lequel la Prusse pourrait compter. Mais Prim n’était plus le maître des résolutions du gouvernement espagnol. Serrano, plus puissant, fit déclarer la neutralité (28 juillet). Cette neutralité s’imposait par une nécessité militaire. L’Espagne était hors d’état d’engager une action sur les Pyrénées et de mettre ses forces sur un pied tant soit peu respectable sans le secours de subsides étrangers : la pacification de l’île de Cuba absorbait une partie importante de ses troupes de terre et de mer. Bismarck n’en fut pas moins irrité de ce qu’il considéra comme une défection inattendue. Il fit déchirer Prim par sa presse. Dans ses Souvenirs, on retrouve la même note : « Je considérai d’abord l’intervention française comme un préjudice, et, partant, comme une offense pour l’Espagne. Je comptais que le point d’honneur espagnol s’élèverait contre cette intervention. J’espérai pendant quelques jours que la déclaration de guerre de l’Espagne à la France suivrait celle que la France nous avait adressée. Je ne m’attendais pas à ce qu’une nation pleine d’amour-propre comme la nation