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une table à part, sur une estrade. Kerry ne s’était point fait inscrire à ce collège, mais à celui de Baliol où les études classiques passaient pour être beaucoup plus fortes et sur lequel l’enseignement du professeur Jowett, le célèbre collaborateur des Essays and Reviews, jetait un vif éclat. Laborieux, il se préparait avec conscience à suivre la carrière parlementaire qui allait bientôt s’ouvrir devant lui, car son père était déjà mort et son grand-père, le marquis de Lansdowne, une des figures les plus honorables du parti Whig, était fort âgé. Aussi entra-t-il très jeune à la Chambre des Lords, et c’est un des avantages incontestables du système héréditaire de permettre ainsi à un certain nombre de jeunes hommes de s’entraîner de bonne heure à la vie politique, et de développer progressivement les facultés dont le germe est en eux. Lors de la fameuse scission que la question du Home Rule amena dans le parti Whig, il fut du nombre des pairs Whigs qui, s’unissant avec les Tories, fondèrent dans la Chambre des Lords le parti unioniste, et il devint un des lieutenans du duc de Devonshire, longtemps connu sous le nom de marquis de Hartington, le chef du nouveau parti. Aussi occupa-t-il dans les Cabinets unionistes d’importantes fonctions, tantôt ministre de la Guerre et tantôt ministre des Affaires étrangères, et lorsque les Unionistes, à la suite des élections, désastreuses pour eux, qui suivirent la guerre du Transvaal, redevinrent un parti d’opposition, il fut, d’un commun accord, désigné pour être, en remplacement du duc de Devonshire, le leader du parti dans la Chambre des Lords. La résolution et la vigueur dont il a fait preuve dans la dernière crise ont montré que le choix était bon.

Au début de la séance du 15 novembre, lord Lansdowne se levait en effet et, en termes courtois mais pressans, il mettait le gouvernement en demeure de saisir la Chambre des Lords du Parliament Bill, c’est-à-dire des trois résolutions relatives au Veto des Lords adoptées par la Chambre des Communes et transformées en projet de loi. Lord Crewe, contraint de reconnaître que la demande de lord Lansdowne n’avait rien que de régulier et de constitutionnel, s’exécutait d’assez mauvaise grâce, mais, tout en déposant le Bill et en demandant même à la Chambre de l’adopter en première lecture, — ce qui n’était qu’une simple formalité, — il prévenait les Lords, avec quelque hauteur, qu’ils avaient à adopter ou à rejeter le Bill tel qu’il était, et que le