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C’est qu’on ne le peut pas, a finalement déclaré M. le président du Conseil après avoir affirmé le contraire un moment auparavant : il nous a paru qu’il y avait là quelque contradiction. Mais voyons l’argument de l’orateur. Il est impossible de poursuivre l’association, a-t-il dit, parce que tous les délits qu’elle commet, bien que collectifs dans le fond, sont adroitement individuels dans la forme, et qu’un de ses membres en prend toujours la responsabilité ; on peut frapper un homme, l’association est indemne. S’il en est ainsi, sur quoi donc s’appuyait M. le président du Conseil lorsqu’il émettait l’avis que la dissolution était possible et même facile ? Nous croyons qu’elle l’est en effet et que les faux-fuyans derrière lesquels la C. G. T. dissimule sa personnalité et sa responsabilité seraient facilement percés à jour par le jury : car, si nous ne nous trompons, c’est le jury qui est compétent en matière de propagande révolutionnaire, et l’exemple donné par celui de Rouen a montré que le jury était aujourd’hui plus enclin à exagérer la sévérité que la faiblesse. La faiblesse est du côté du gouvernement, et non pas du côté de l’opinion que le jury représente. M. Briand croit d’ailleurs, comme M. Lairolle, que le monde du travail supporte mal ce qu’il appelle lui-même, en parlant de la pression que la Confédération exerce, « la tyrannie la plus odieuse et la plus brutale ; » seulement, il en tire une conclusion contraire à celle de M. Lairolle ; il estime que le mieux est de laisser faire le temps qui ne manquera pas, peu à peu, de libérer les ouvriers d’un despotisme qu’ils jugent eux-mêmes intolérable. « C’est même là, dit-il, une forme de châtiment qui, pour n’être pas prononcé par les tribunaux, n’en a pas moins toute sa force. » Cette forme de châtiment étant aussi celle qu’aurait choisie pour elle la Confédération du Travail doit donc satisfaire tout le monde. Elle ne nous satisfait pourtant pas, sans doute parce que nous ne sommes pas aussi confians que M. le président du Conseil dans la vertu propre des institutions qui, à l’entendre, éliminent d’elles-mêmes ce qu’elles peuvent avoir de mauvais. S’il est vrai que les travailleurs cherchent à se dégager d’une domination tyrannique, ne pourrait-on pas les y aider ? Ils ne nous en sauraient aucun gré, dit M. Briand ; ils sont comme la femme de Sganarelle qui, rouée de coups par son mari, poussait les hauts cris et appelait au secours, mais qui se tournait aussitôt contre celui qui le lui apportait et déclarait qu’elle aimait être battue. Est-ce bien là, vraiment, le caractère de nos ouvriers ? Faisant, dès son origine, l’histoire de la Confédération générale du Travail, M. Briand dit : « Il s’est trouvé