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LA MORALE LIBERTAIRE


ET


LA MORALE DE LA VIE.




Un éminent écrivain a publié récemment un livre sur la Démission de la morale, — où il propose lui-même sa morale, celle de l’honneur. Nous ne croyons pas plus que lui à une démission qui serait celle de la conscience humaine. En tout cas, les moralistes, eux, n’ont pas démissionné : jamais ils ne furent plus nombreux que de nos jours. C’est surtout en France que les études de morale se sont multipliées, comme d’ailleurs toutes les études de philosophie, la France ayant pris depuis quarante ans la tête du mouvement philosophique. La plupart des nouveaux écrits sur la conduite des individus et des sociétés ont en commun une inspiration tantôt humanitaire, tantôt libertaire. Ils se rattachent à l’effort du socialisme et de l’anarchisme pour se constituer une morale et même une religion qui soient en rapport, d’une part, avec les exigences de la science, d’autre part, avec la réorganisation ou avec la désorganisation systématique des sociétés. Est-il besoin d’insister sur le haut intérêt qu’offrent de telles entreprises ?

Ne nous plaignons pas de l’abondance des doctrines morales que nous voyons surgir autour de nous. Comme la nature, la société humaine avance par rythme de contraires, par action et réaction ; par dissonances et consonances, dirait le vieil Héraclite. Il faut des individualistes pour contre-balancer et faire progresser les socialistes, il faut des socialistes pour faire