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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/150

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l’éducation et le rescrit aux soldats ; mais il a donné à sa mission de surveillance et de protection une forme moderne : les mairies tiennent les registres de l’état civil, on fait des recensemens quinquennaux, les enfans sont soumis à l’obligation scolaire, les hommes de dix-sept à quarante ans au service militaire, la police consigne sur des fiches l’âge, le domicile, la condition de tous les citoyens, et ceux-ci doivent y faire mentionner leurs changemens de résidence.

D’autre part, l’Etat moderne a donné aux citoyens des garanties sérieuses contre l’arbitraire de ses fonctionnaires ; il a supprimé la torture, défendu qu’on appliquât aucune peine contraire aux lois ; un accusé ne peut être distrait de ses juges naturels, ni emprisonné, poursuivi et jugé autrement que dans les formes prescrites par la loi, les débats de son procès doivent être publics. La Constitution a proclamé l’inviolabilité du domicile et de la correspondance, reconnu à chacun le droit de pratiquer la religion qu’il a choisie ; de plus, les citoyens ont obtenu (sauf certaines restrictions) toutes les libertés que comporte la société moderne : liberté d’aller et de s’établir où bon leur semble, de vendre, d’acheter, de parler, d’écrire, de publier, de tenir des réunions. Enfin tous peuvent être électeurs, éligibles fonctionnaires, s’ils se trouvent dans les conditions fixées par les lois.

Le nouveau régime n’a pas seulement réglé ce qui concernait la personne des citoyens, mais ce qui concernait leur propriété. La loi de 1872, supprimant toutes les restrictions féodales, a créé la propriété privée intangible, mais les lois sur l’inscription des ventes et des hypothèques, l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les successions maintiennent la surveillance patriarcale de l’Etat sur les biens des citoyens, tout en donnant à cette surveillance une forme moderne.

Si, dès le principe, le droit sorti de la Révolution avait fait à l’individu une part assez large, en revanche, comme tout droit révolutionnaire, il s’était d’abord montré hostile à l’idée d’association ; on ne supprima pas seulement les classes sociales, on abolit les corporations, gildes ou compagnies de l’ancien régime, les vœux monastiques furent supprimés, les biens des couvens confisqués ; il ne devait plus y avoir d’intermédiaire entre l’Etat et l’individu. Au Japon comme partout, les individus, se sentant trop faibles dans leur isolement, demandèrent à s’associer et