Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sur les blancs chapiteaux et les feuilles d’acanthe
Son fronton se dressait jadis dans les azurs ;
Et sur ses bas-reliefs la lascive bacchante
D’un satyre aviné guidait les pas moins sûrs.

Plus loin, se déroulaient les longues promenades
Des fiers chevaux cabrés qui froncent les naseaux ;
Et sur son piédestal, au fond des colonnades,
Pan se tenait, avec ses merveilleux roseaux.

Pour porter à ses dents les flûtes inégales
Dont il aime à grouper les agrestes accords,
Le dieu ployait, avec le geste des cigales,
Ses coudes anguleux serrés contre son corps ;

Et ses jambes, aux pieds fourchus des boucs pareilles
S’enlaçaient d’une humaine et bizarre façon.
Il écoutait, rieur, et dressant les oreilles,
Les oiseaux d’alentour répéter sa leçon.

Il était là, toujours ses flûtes à ses lèvres ;
Et les bergers, laissant dans les rochers voisins
Bondir en liberté leurs béliers et leurs chèvres,
Déposaient devant lui des fleurs et des raisins.

Qu’est devenue, hélas ! sa superbe attitude ?
Le temps a fait son œuvre, encor moins que l’oubli.
Plus rien !… Destruction, silence, solitude,
Ecroulement d’un dieu passé, règne accompli !

D’inégales hauteurs les colonnes brisées
S’élèvent çà et là ; l’herbe partout a crû ;
Les tronçons sur le sol verdis par les rosées
Gisent : on cherche en vain le profil apparu.

Jamais d’hôte ; jamais une vierge qui cueille
Un sarment vert ; jamais le rire d’un enfant.
Jamais de bruit, sinon la chute d’une feuille
Ou le taillis froissé par la course d’un faon.