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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/189

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LE RELÈVEMENT DE L’INDUSTRIE RURALE.

Cette constatation est d’une extrême importance, car elle démontre qu’à côté des symptômes de mort germent des espoirs de vie qui peuvent encore être ranimés et utilisés. Tandis qu’on peut prévoir à brève échéance la disparition totale du métier de tisserand, faute d’ouvriers nouveaux pour le continuer, on voit se perfectionner et se multiplier des moyens susceptibles de l’alimenter. C’est ainsi qu’en face des vieux rouleaux cardeurs, vermoulus et branlans, mais néanmoins toujours en activité, on peut en certains endroits voir s’installer des cylindres perfectionnés, près desquels se dresse une mécanique à filer la laine.

Les femmes de la campagne seules bénéficient, pour l’instant, de ce tissage et leur clientèle ne suffit pas à empêcher la disparition de l’ouvrier du métier, du tisserand. D’ailleurs, de plus en plus pénétrées des idées modernes de vie facile et du goût du faux luxe, les nouvelles générations paysannes, elles-mêmes, dédaignent les solides étoiles tissées au village pour l’étoffe de pacotille qu’elles trouvent à bon compte dans les foires, les marchés et les boutiques.

Ce n’est guère qu’en Vendée et en Bretagne, où se conservent encore les anciennes traditions, que l’on prend la peine de filer soi-même ses vêtemens. Il y a quelque trente ou quarante ans, — on filait beaucoup en ce temps-là, — les présens de noce de la jeune épousée consistaient en fil de chanvre. Elle en recevait de ses parens, de ses amis. On roulait le chanvre autour d’une quenouille monstre qui en contenait parfois plus de 200 livres. La veille du grand jour, la quenouillée attachée de rubans de toutes les couleurs, ornée de fleurs, était montée en grande pompe sur un char attelé de plusieurs chevaux également décorés de fleurs et de rubans : jeunes filles, jeunes gars, processionnellement et en chantant, accompagnaient le présent que l’on conduisait dans la maison de la nouvelle mariée. Inutile d’ajouter que la soirée se terminait par des danses et des festins. Maintenant, en Bretagne comme ailleurs, la femme s’est laissé tenter par des étoffes d’aspect plus brillant, mais de qualité très inférieure ; cependant elle n’ignore pas que pour avoir des drops de lit ou des jupons de longue durée, des culottes ou des vestes résistantes pour ses hommes, elle devra en fabriquer elle-même le tissu.

Autrefois, chaque village possédait son tisserand,