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nuances, monotone et monocorde, et à peu près aussi fatigant pour le public que pour l’acteur. Mme Bartet, qui sait mettre, partout de la mesure, du tact, de la distinction, n’était pas la femme qu’il fallait pour les explosions enragées du second acte. M. Grand a été quelconque, et Mme Pierson aussi ; et ils n’avaient pas mieux à faire.


MM. de Flers et de Caillavet sont dans le plein épanouissement d’un talent fertile, facile, merveilleusement adapté aux conditions actuelles du succès : le public ne se lasse pas de les entendre conter les histoires qu’ils, content si agréablement. Il y a, semble-t-il, dans leur répertoire deux veines principales : mie veine de comédie légèrement satirique, celle du Roi et du Bois Sacré ; une veine de comédie aimable et sentimentale, à la manière de l’ancien « théâtre de Madame, » et d’où procédait l’Amour veille. C’est à cette seconde catégorie qu’appartient la comédie qu’ils viennent de donner au Gymnase : Papa.

Le sujet est de ceux qui ont été maintes fois remis au théâtre, où tout l’art de l’écrivain ne consiste qu’à renouveler des situations anciennes : Il y a longtemps qu’Alexandre Dumas fils a donné le Père prodigue ; il n’y a pas longtemps que M. V. Duquesnel faisait représenter Patachon ; et il est probable qu’entre les deux un érudit du théâtre trouverait à citer plus d’un « Patachon » et plus d’un « Père prodigue. » Il nous suffit qu’au vieux thème les ingénieux auteurs aient mis des habits neufs, coupés à la dernière mode et d’un chic bien parisien.

Dans un village de Languedoc vit en gentilhomme campagnard le jeune Jean Bernard, qui, ne se connaissant pas de parens, mais d’ailleurs jouissant de suffisans revenus, s’accommode aisément de sa situation d’enfant naturel. Il fréquente peu de monde, hors le curé son voisin, son fermier Aubrun, et Jeanne, la fille de son fermier. Et comme il est à l’âge où l’on devient amoureux, son isolement ne peut faire qu’il n’ait découvert dans le voisinage une jeune Valaque, Georgina Coursan, dont il rêve et qu’il est prêt à épouser. Cette Georgina n’est pas une méchante personne, oh ! non, et même elle n’est pas une fille déshonnête, quoiqu’il y ait à dire ; mais elle a en elle un instinct bohème, un goût du plaisir et du luxe, tout ce que ce bon rustre de Jean ne saura jamais satisfaire.

Tout à coup il tombe du ciel, à ce grand garçon, un père. Le comte de Larzac, averti par certains signes que le moment est venu de faire une fin, s’est souvenu à propos qu’il avait un fils, tout poussé, dans un coin de province, ce qui est une excellente condition pour un viveur