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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Une inexorable fatalité s’acharne contre les lignes de chemin de fer exploitées par l’État. Les accidens succèdent aux accidens avec une cruelle monotonie, et l’Ouest-État figure dans l’imagination populaire comme une vaste nécropole qui rappelle le monument funèbre dont M. Bartholomé a orné le Père-Lachaise. Sans doute, dans une exploitation de voies ferrées, il faut faire la part des mauvaises chances inévitables ; mais pourquoi, entre les lignes exploitées, y en a-t-il une, une seule, où les accidens sont plus nombreux que dans toutes les autres réunies ? Un pareil effet a une cause. Nous n’avons pas cessé de croire et de dire que l’État était un très médiocre, et même un très mauvais industriel ; mais, en vérité, nous ne Savions pas en l’affirmant à quel point nous avions raison. A peine le réseau de l’Ouest a-t-il été entre les mains de l’État que les désastres ont commencé, ont continué, se sont multipliés, et M. le ministre des Travaux publics en a qualifié lui-même la répétition de déconcertante. Elle l’est, certes. L’État était tout prêt à s’admirer et à se faire admirer ; il avait annoncé qu’il allait faire un chemin de fer modèle, sur lequel les Compagnies n’auraient plus qu’à se régler, et aussitôt, sur tout le réseau qu’il administre, on a relevé des morts et des blessés, au milieu d’une grande clameur de pitié.

L’opinion publique s’en est naturellement émue. On a questionné le gouvernement à la Chambre et au Sénat ; on l’a interpellé ; mais il n’y a eu à ces débats aucune sanction effective, et il ne pouvait guère y en avoir. Les Chambres avaient en face d’elles un ministère tout neuf qu’il aurait été injuste de rendre responsable de ce qui arrivait. Elles sentaient même chez M. le ministre des Travaux publics des intentions excellentes ; elles étaient frappées de l’accent