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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/246

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des négociations ; la Commission ne s’y est pas prêtée. Nous nous demandions avec inquiétude ce que déciderait le gouvernement. Il avait fait entendre, devant le Reichstag, qu’il retirerait le projet plutôt que de le laisser amender. Son attitude devant la Commission a été différente : il a demandé qu’on lui donnât le temps de soumettre de nouveau la question au Conseil fédéral et tout est demeuré en suspens. Que fera le Conseil fédéral ? Il est difficile de le prévoir. On lui demande, ainsi qu’au gouvernement impérial, de franchir en une seule étape et comme d’un seul bond un chemin qu’ils se proposaient de parcourir lentement, prudemment, de manière à n’en atteindre le terme qu’au bout d’un nombre d’années indéterminé. Consentira-t-il à supprimer tous les délais ?

Pourtant les probabilités sont en faveur des Alsaciens-Lorrains. Ils ont su prendre une importance parlementaire avec laquelle il faut compter. Les catholiques ont besoin d’eux et le gouvernement, depuis la chute de M. de Bülow, a besoin des catholiques. Les questions posées ne sont pas de celles qui se résolvent par un élan de générosité, et au surplus un sentiment de ce genre a rarement sa place dans les résolutions du gouvernement allemand : nous avons constaté un souci méritoire de l’humanité, des ménagemens habiles pour les vaincus, un désir sincère d’apaisement dans les discours de M. de Bethmann-Hollweg et de M. Delbrück, mais de la générosité, non. Tout ici est calcul de forces parlementaires ; mais précisément pour ce motif, et parce que les Alsaciens-Lorrains, habiles, énergiques, éloquens, ont su trouver des alliés au Reichstag, tôt ou tard ils auront gain de cause. Il paraît difficile, impossible même, qu’on ait fait, ou même laissé luire à leurs yeux tant d’espérances pour les acculer à une déception qui, en tout cas, ne saurait être définitive. Qu’aurait fait le gouvernement impérial s’il avait prévu ce qui se passe ? Aurait-il présenté son projet ? Le Conseil fédéral y aurait-il consenti ? Nous n’en savons rien, mais aujourd’hui la question n’est plus intacte, et il y a des courans qu’on n’arrête pas.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.