Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

catholiques d’Etat le vieux-catholique Pétri. Mais cette illusion devait être sans durée. Le duc de Ratibor semblait gêné de voter contre l’Église, et gêné de voter contre Bismarck : il s’effaçait de plus en plus de la Chambre des Seigneurs, toutes les fois qu’on y discutait les questions religieuses. Et doucement, lentement, les catholiques d’Etat se rapprochaient des avocats de l’Église. On racontait que dans leurs rangs s’élevaient des plaintes contre l’application de la loi sur les ordres, et que Ratibor recourait à l’Empereur, vainement d’ailleurs, pour qu’une église de Breslau, réclamée par les vieux-catholiques, fût laissée à la confession romaine. Entre les deux poignées de sécessionnistes qui avaient un instant voulu menacer « l’ultra-montanisme, » des querelles commençaient à se dessiner, et l’Etat prussien pouvait constater son impuissance, soit à diviser contre eux-mêmes les catholiques d’Allemagne, soit à les faire émigrer vers une Eglise nouvelle, rivale de l’Eglise du Pape.


VI

Cependant, de semaine en semaine, à mesure que la mort dépeuplait quelques presbytères, les mécanismes législatifs de 1873 et 1874, mis en branle avec une régularité meurtrière, supprimaient le culte dans les paroisses endeuillées. En vain le député progressiste Kirchmann, dans une brochure qui était un appel à la paix, réclamait-il, dès 1875, que le poing de l’Etat ne s’abattit pas avec la même brutalité sur le prêtre qui de parti pris résistait aux lois et sur celui qui ne faisait qu’obéir aux supérieurs ecclésiastiques : ni l’intelligence ni la patience de la maréchaussée prussienne ne s’accommodaient de ces judicieuses distinctions. Un nouveau prêtre s’installait : il tenait de l’évêque ses pouvoirs, que l’Etat déclarait illégaux. Comme citoyen, il faisait à la mairie sa déclaration de domicile. « Vous venez pour être ministre du culte ? » lui disait-on. Son silence était la réponse. Alors, généralement, le bourgmestre allait le voir, lui remontrait à quels ennuis il s’exposait, lui demandait : « Où donc sont vos meubles ? » Un sourire était la réponse. De meubles, on n’en voyait point ; les amendes étaient bravées d’avance. Le fonctionnaire du Christ, qui, par l’exercice même de ses fonctions, allait entasser délit sur délit, arrivait en insolvable : ce fut une force, dès la première Pentecôte, de n’avoir