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vous commandiez d’enlever ces fleurs… Me suis-je trompée ?…

Porte-Flèche. — J’ai osé élever la voix pour donner cet ordre... peut-être vous ai-je déplu ?

Lotus-d’Or. — Oh ! non !… mais je veux vous demander grâce pour ces mortes charmantes : laissez-les quelque temps encore former un tapis au pied de notre pavillon. Arrachées de leurs tiges elles sont belles cependant, et embaument.

Porte-Flèche. — Quelle gloire pour moi de vous obéir! J’envie ces fleurs qui seront foulées par vos petits pieds. (Il fait signe aux jardiniers de s’éloigner.)

Tranquille-Élégance, tirant Lotus-d’Or par la manche. — Assez ! Lotus-d’Or ! Ce n’est pas convenable d’écouter de tels propos.

Porte-Flèche. — N’avez-vous plus rien à me dire ?

Tranquille-Élégance. — Allons ! viens! Rentrons !

Lotus-d’Or, à Tranquille-Élégance. — Non, attends un peu… (À Porte-Flèche.) Seigneur, vous le savez, les nouvelles sont lentes à parvenir dans le quartier des femmes… et ma curiosité est bien impatiente, en ce jour solennel entre tous, où notre impératrice va restaurer le trône de la lumineuse dynastie des Ming et prendre la régence de l’Empire. À quelle heure exactement commence la fête ?… Savez-vous l’ordre des cérémonies ?

Porte-Flèche. — Quelle joie pour moi de pouvoir vous répondre. Les crieurs du Ministère des Rites ont proclamé hier au soir l’ordre de la solennité. J’ai noté ce que j’entendais.

(Il tire de sa manche un petit rouleau de soie.)

Je compte en écrire plus tard quelques poèmes. C’est une date si unique dans les annales de la Chine !…

Lotus-d’Or. — Oh! lisez-nous, seigneur!

(Les jeunes filles, curieuses, se rapprochent.)


Porte-Flèche, lisant. — « En cette journée magnifique, où notre Impératrice, quittant le deuil de son illustre époux, va prendre le pouvoir au nom de son fils, en dépit de l’usurpateur qui, depuis trois cents ans, tient la Chine sous le joug :

« Ordre à tous les hauts fonctionnaires du palais, aux maîtres des cérémonies, aux grands secrétaires d’État, aux ministres, aux guerriers, aux princes, aux gardiens du Sceau Impérial, de se tenir prêts avant la dernière veille de la nuit et de réunir les objets précieux dont ils ont la garde, afin de les disposer,