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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/349

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LA FILLE DU CIEL.

simple que d’être pris pour lui. Je te dis, Puits-des-Bois, tout cela ne pouvait qu être d’une facilité enfantine ! PuiTS-DES-Bois. — Sire, vous auriez composé des romans d’aventure mieux encore que lillustre Lo-Kouan-Tson. L’Empereur. — Que veux-tu 1 on ne m’a laissé que deux choses, dans ma solitude magnifique ; l’amour et l’opium. L’opium exalte l’imagination, et j’ai eu tout le loisir d’échafau- der des projets. PuiTs-DEs-Bois. — Moi, jo construis l’avenir dans des écrits, prophétiques peut-être, mais je laisse aux générations pro- chaines le soin d’accomplir l’œuvre. Tandis que vous, c’est votre propre sang que vous offrez en sacrilice, pour tléchir la haine invincible. Les immortels se pencheront vers vous, comme vers leur égal; mais ceux-là mêmes que vous voulez combler de vos bienfaits, vous serez déchiré par eux! L’Empereur. — Qui sait! La haine souvent cède à l’amour... PuiTs-DEs-Bois. — Pas celle-là, pas cette haine séculaire, que rien n’a pu amollir et qui, pendant ces trois cents ans, n’a pas connu même une faiblesse amoureuse : jamais un Tartare ne s’est uni à une Chinoise, jamais un Chinois n’a aimé une femme tartare et, voyez, depuis trois ans, que, par un décret, vous avez autorisé les mariages entre les deux races, personne n’a usé de la permission. L’Empereur. — Si î il y a eu un mariage.. PuiTs-DEs-Bois. — Un mariage! Un de vos courtisans pour vous plaire a épousé la fille d’un de vos ministres, et rappelez- vous de combien de faveurs vous avez du payer un acte aussi méritoire. L’Empereur. — Toi, pourtant, tu es Chinois et je veux croire que tu m’aimes un peu. Purrs-DEs-Bois. — Pour moi seul, vous avez laissé rayonner la lumière de votre âme, et j’ai d’ailleurs rejeté tous les pré- jugés qui entravent la vie : je vous aime et je vous admire. L’Empereur. — Eh bien ! c’est déjà ma récompense... PuiTs-DEs-Bois. — On vient par là! Prenons garde...