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Le banquier tenait à Paris un grand état de maison dont l’étude de ses comptes, en même temps qu’elle nous révèle ce que coûtait sous l’ancien régime l’existence d’une famille qui, sans être seigneuriale, appartenait à l’aristocratie, nous permet d’apprécier l’importance. Pour l’année 1791, sa dépense totale, quoiqu’en diminution sur celle des années antérieures par suite des événemens qui répandent partout l’inquiétude et ont fait se fermer les salons, dépasse encore la somme de cent mille livres. Dans ce chiffre, l’écurie figure pour onze mille livres, la cuisine et l’office pour quarante-six mille livres, et la domesticité pour quatre mille trois cents livres. Durant cette même année, il est entré dans le bûcher cent quarante voies de bois ayant coûté trois mille quatre cents livres, et dans la cave vingt-quatre pièces de vin de Bourgogne, payées cent soixante livres la pièce, transport compris. Une part dans le loyer d’un manège aux écuries d’Orléans et deux abonnemens de théâtre : un quart de loge à l’Opéra pour six mois et une loge « côté du Roi » au théâtre de Monsieur, grossissent de dix-sept cents livres le total de ces chiffres auxquels viennent s’ajouter les frais de bureau de la banque. Pour six commis et un garçon de caisse, ils s’élèvent annuellement à un peu plus de vingt-deux mille livres.

Dans ces comptes ne figurent pas les aumônes de Magon de la Balue ni sa participation à des œuvres de bienfaisance. Mais un autre chiffre, celui de ses dépenses particulières, inscrites pour 3 400 livres, nous révèle qu’en dépit de la large et luxueuse aisance en laquelle il vivait, il était de goûts et de mœurs simples. Aussi actif qu’au temps de sa jeunesse et toujours occupé des grands intérêts dont il avait la charge, il menait une vie laborieuse où les distractions et les plaisirs tenaient peu de place : le matin une promenade à cheval durant laquelle un domestique l’accompagnait et qu’il utilisait souvent en allant voir ses confrères, ses amis et les pauvres ; le soir, quelques heures passées en famille ou des réceptions qui amenaient une élite sociale dans son salon, dont sa fille, la marquise de Saint-Pern-Magon et sa bru, Mme Adrien Magon de la Balue, l’aidaient à faire les honneurs. On aime à se figurer ces réunions où tout trahissait l’amour de la royauté et le culte des traditions ancestrales. Autour du maître de la maison, voici ses cousins, des vieillards comme lui, le maréchal de Contades et Magon