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étaient mariées, l’une à l’un de ses cousins, le comte de Saint-Pern-Brondineuf, l’autre au comte de la Chatotais, le fils du célèbre procureur général du Parlement de Bretagne, et la troisième, comme nous l’avons dit, au fils de Magon de la Balue. Celui-ci était donc doublement allié aux Saint-Pern par sa fille aînée et par l’aîné de ses fils.

De tout ce qui précède, il est aisé de conclure que tant à Paris qu’à Saint-Malo, la famille Magon, par les biens considérables qu’elle possédait, par le souvenir de ses bienfaits et de ses services comme aussi par les maisons nobles auxquelles elle s’était alliée, constituait une de ces puissances sociales et financières qui, sous la monarchie, contribuaient à fortifier le pouvoir royal, mais que la Révolution, dès qu’elle fut maîtresse du pays, résolut d’abattre, afin de s’enrichir de leurs dépouilles.

C’est ici le cas de faire remarquer que le violent effort du terrorisme pour dominer la France s’inspira moins de la volonté de lui imposer les idées républicaines, telles qu’il les avait conçues, que du parti pris de remédier à la détresse du trésor public en y faisant affluer les ressources dont il serait possible de s’emparer et en légalisant par des décrets contre les riches des mesures qui étaient à vrai dire des actes de brigandage ? Cette préoccupation est visible dans toutes les décisions du Comité de Salut public et du Comité de Sûreté générale, dans les ordres qu’ils donnent aux comités de surveillance, dans les excès d’arbitraire qu’ils approuvent et encouragent.

Elle n’est pas moins visible dans la conduite des représentans envoyés en mission. Ceux qui fonctionnent dans les départemens opèrent presque partout de la même manière. En arrivant dans une ville, ils se font présenter par le Comité de surveillance local, la liste des citoyens réputés pour leurs richesses, — nobles ou non. Si cette liste n’existe pas déjà, ils la font dresser. Ces citoyens sont déclarés suspects ; on provoque au besoin les dénonciations de leurs domestiques ; on perquisitionne dans leur demeure ; on les arrête ; leurs biens sont mis sous séquestre ; puis, quand ces malheureux ont été condamnés, tout ce qu’ils possédaient est confisqué au profit de la République. La proie est bonne à prendre en un moment où le Trésor est mis à sec par l’arrêt complet des industries nationales, par l’anéantissement des affaires et par la destruction du crédit. C’est