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Jésuites sur de pures questions de doctrine et de méthode suffit à nous montrer combien ces questions préoccupaient les esprits. La morale est au fond de toutes les pensées ; au théâtre même, nous voyons le devoir triompher chez Corneille, comme plus tard c’est la passion qui régnera dans l’œuvre de Racine. Le dernier mot de cet âge sera dit par les philosophes, en Italie par Galilée, et surtout en France par un Descartes et un Pascal.

Ces réformes, cette rupture avec le sensualisme de la Renaissance, cette prédominance de la pensée religieuse, ce souci d’instruire et de moraliser les âmes, se substituant au plaisir de les charmer, mirent dans tout cet âge un caractère très particulier, un caractère de gravité, d’autant plus saisissant qu’il contrastait profondément avec ce qui l’avait précédé et ce qui allait le suivre. Cette gravité, dont les divisions religieuses furent la principale cause, devait encore être accentuée par les malheurs politiques de l’Italie, par les invasions des armées étrangères qui mirent dans les âmes une tristesse que l’on ne connaissait plus depuis les temps de Dante.

À ce caractère de gravité et de tristesse il faut ajouter un caractère moins important, mais néanmoins notable, la prédilection pour l’expression de la puissance. Dans les malheurs qu’elle éprouve, la Papauté sent plus que jamais l’impérieuse nécessité d’être forte et de ne plus se laisser amollir dans les délices de l’épicuréisme. Tout ce qui est grâce, délicatesse, tendresse, tout ce que le XVe siècle avait tant aimé, perd son prix à ses yeux ; ce qu’elle veut, avant tout, c’est la puissance lui redonnant l’indépendance et la souveraineté.


Après avoir marqué les caractères de cet âge, il nous sera facile d’en déterminer la durée et de reconnaître quand il commença et quand il prit fin. La Contre-Réforme ne s’affirme vraiment avec tous ses caractères que sous le pontificat de Paul IV (1555-1559) ; toutefois, des symptômes précurseurs apparaissent dès le début du siècle. Les invasions des armées de Charles VIII portent le premier coup à l’art de la Renaissance italienne ; en faisant tomber la dynastie des Médicis, elles le frappent dans sa capitale même, à Florence ; mais les succès de la Papauté, sous Jules II et Léon X, guérissent cette blessure. Rome devient le refuge des Florentins quittant leur patrie, et, sous le pontificat des papes de la maison de Médicis, sous