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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/398

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dit bien une chose : c’est que la Papauté, effrayée des progrès du Protestantisme, veut lutter contre cette redoutable hérésie et que son art, comme tous ses actes, est une réaction contre la Réforme. Mais il faudrait ajouter, et c’est ce qui nous intéresse le plus lorsque nous étudions l’histoire de l’art, que, pour lutter contre la Réforme, la Papauté fut obligée de se réformer elle-même. Les peuples du Nord se détachent de Rome, parce qu’ils lui reprochent de se faire païenne ; ils ne veulent plus reconnaître la religion du Christ dans ces fêtes mondaines, dans cet art sensuel où la mythologie et les souvenirs païens tiennent souvent autant de place que les scènes du Nouveau et de l’Ancien Testament. Et le reproche est fondé ; la Papauté ne peut plus se faire d’illusion : pour lutter contre la Réforme, c’est à la Renaissance même qu’il faut renoncer. La Renaissance si séduisante, la merveilleuse Renaissance de Bramante et de Raphaël, c’est elle la coupable, c’est elle qu’il faut combattre ; et l’on va proscrire toute cette joie et tout ce sensualisme qui corrompait les cœurs et les détournait de la pure et austère morale chrétienne. De telle-sorte que, pour caractériser l’art de cet âge, il serait encore plus juste et plus clair de dire que ce fut, non pas une Contre-Réforme, mais une Contre-Renaissance ; non une réaction contre tout ce que la Renaissance avait apporté au monde, mais contre tout ce qu’il y avait d’antichrétien en elle.

L’âge nouveau met au premier rang de ses préoccupations la pensée chrétienne ; voilà le fait essentiel d’où tout va découler. Comme au début du Christianisme, l’expression des pensées va prendre dans l’art une place prépondérante, reléguant au second plan la simple représentation des formes et la pure recherche de la beauté. La Papauté comprend que c’est aux âmes, et aux intelligences qu’elle doit s’adresser et que, pour attirer et retenir le peuple, il faut l’instruire. De là la création de ces nombreuses congrégations religieuses, de là le prodigieux succès de cet ordre des Jésuites, qui devient comme le bras droit de la Papauté, et dont le véritable but est de conquérir les esprits par la chaire et par l’école.

Tout cet âge, qu’il ait été catholique à Rome, ou protestant au Nord de l’Europe, est caractérisé par ses préoccupations intellectuelles. Rarement on vit un tel effort, une telle lutte des intelligences ; en France, l’ardeur des débats entre Port-Royal et les