Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/402

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coupa les ailes de l’artiste et l’entoura de barrières dans lesquelles sa pensée resta emprisonnée.


Le grand fait de cet âge fut la reprise des travaux de Saint-Pierre, de ce Saint-Pierre que Bramante n’avait fait que commencer, et dont les successeurs de Jules II s’étaient un peu désintéressés. Dans cette église où se sont exprimés pendant deux siècles les volontés et les désirs des Papes, où les plus grands artistes ont mis toute leur science, nous trouverons écrite mieux que partout ailleurs l’histoire de l’art religieux au XVIe et au XVIIe siècle. Dans l’étude que nous faisons en ce moment, nous nous attacherons surtout aux transformations que cette église. commencée au temps de la Renaissance, a dû subir pour s’adapter aux idées de la Contre-Réforme, en attendant de recevoir au XVIIe siècle un décor conçu dans un esprit tout nouveau.

Si Bramante avait construit sous Jules II le Saint-Pierre qu’il avait projeté, nous aurions un monument qui ne ressemblerait que de très loin à celui que nous voyons aujourd’hui. Son œuvre sans aucun doute eût été très belle : on pense et l’on dit ordinairement qu’elle eût été beaucoup plus belle que celle de ses successeurs ; c’est possible, je ne suis toutefois pas convaincu de la certitude d’un pareil jugement ; et si l’on peut soutenir que la transformation de Saint-Pierre en croix latine a affaibli l’impression artistique que Bramante voulait produire, on doit reconnaître d’autre part que son œuvre a été singulièrement embellie par la substitution de la haute coupole de Michel-Ange à la coupole basse qu’il avait projetée.

Bien que le nom de Bramante reste attaché à la construction de Saint-Pierre, il subsiste fort peu de chose de lui dans l’église actuelle qui a été construite dans un esprit entièrement différent de celui dans lequel elle avait été conçue. Dans l’histoire de l’art, Saint-Pierre appartient bien plus à l’âge de la Contre-Réforme qu’à celui de la Renaissance. En reprenant les travaux de Saint-Pierre après un demi-siècle d’interruption, la Contre-Réforme veut terminer cette église en la faisant sienne ; elle y met toute son âme, tous ses désirs, tous ses espoirs ; en modifiant les plans de Bramante, de ce maître que l’on ne cessait pas cependant de considérer comme un des plus grands génies de l’art, les papes étaient conduits par une idée