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impérieuse, celle de faire de son œuvre, trop imprégnée d’esprit classique, une œuvre plus vraiment chrétienne. La conception d’une construction centrale, d’une large coupole autour de laquelle s’allongent quatre longues nefs égales, cela peut être un plan très beau, ce n’est pas le plan d’une église. On ne sait où placer l’autel, on ne sait où mettre la chaire du prédicateur, et, quelque endroit que l’on choisisse, le prêtre qui officie, le prédicateur qui parle, ne sont vus et entendus que par une faible partie du public. A la rigueur un espace circulaire, accompagné de petites nefs, telles que les San Gallo nous en ont donné des modèles à la Madone délie Carceri ou à la Madone de San Biagio, peut être considéré comme un excellent type de chapelles ou de petites églises, mais le grand allongement des nefs dans le projet de Bramante était une si grande modification de ce plan qu’elle le rendait inutilisable.

La pensée chrétienne devait donc inévitablement aboutir à cette conclusion : transformer le plan de Bramante, et ajouter une grande nef en avant de l’espace circulaire de la coupole. De ce chef le projet de Bramante fut complètement dénaturé, et l’on comprend que les puristes se lamentent ; mais le coupable, ce ne fut pas la Papauté, qui n’avait pas tort de vouloir que Saint-Pierre fût une église, ce fut Bramante qui, chargé de construire une église, n’avait pas su le faire.

Une autre modification non moins importante apportée au plan primitif fut la transformation de la coupole. Bramante l’avait conçue très large, mais très basse : la pensée chrétienne, en réapparaissant en maîtresse dans les arts, en cherchant à les spiritualiser, fit renaître ce principe de verticalisme dans lequel au moyen âge elle avait trouvé la plus parfaite expression de sa croyance et de ses désirs. C’est Michel-Ange, le maître qui avait grandi sous cette altière coupole de Sainte-Marie-des-FIeurs, conçue par le génie des architectes florentins du XIVe siècle, qui va substituer au classicisme de Bramante, sinon les formes, du moins l’esprit de l’art gothique, et va renoncer aux proportions savamment équilibrées pour faire prédominer la dimension en hauteur ; sur la ville de Rome, il voudra faire flotter l’étendard du Christ, aussi haut qu’une main humaine puisse le dresser.

Mais Michel-Ange ne put pas achever son œuvre. A sa mort, seul le grand tambour était construit, et la courbe de la coupole