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n’était même pas amorcée. Nous connaissons le projet de Michel-Ange par une peinture de la bibliothèque du Vatican, et grâce à cette peinture nous savons que Giacomo della Porta, son élève et son successeur, ne respecta pas entièrement son œuvre. Poussé lui aussi par cette âme de la Papauté qui dirige toute chose, il veut faire plus haute encore la coupole de Saint-Pierre ; il en change le dessin, il la grandit, la fait plus aiguë, surtout il modifie la lanterne qu’il rend plus svelte et plus fine, et il donne ainsi son caractère définitif à ce monument qui reste pour nous l’œuvre inégalée du génie humain.

Michel-Ange ne l’eût pas faite si belle. Entre ses mains, elle serait restée plus lourde, plus massive, elle n’aurait pas eu cette harmonieuse silhouette qui, grâce à l’association de la courbe de la coupole et de la contre-courbe de la lanterne, en fait une œuvre si légère et vraiment céleste. L’esprit de la Renaissance, l’esprit de Bramante inspiré des temples grecs et du Panthéon, où la ligne horizontale était la ligne prédominante, où les monumens restaient à la portée des yeux et de la main des hommes était en opposition absolue avec cette œuvre toute faite d’inspiration chrétienne, la seule œuvre du monde moderne qui puisse être rapprochée des grandes cathédrales gothiques du moyen âge.

J’ai prononcé le mot de gothique. La résurrection de la pensée gothique ne date pas tout entière du XIXe siècle ; elle était déjà en germe dans l’art que nous étudions. En voulant faire des églises chrétiennes, la Contre-Réforme devait inévitablement se rapprocher des solutions déjà cherchées et si heureusement trouvées au moyen âge.

L’école néo-classique de l’Empire ne s’y est pas trompée. Elle a bien nettement compris que le style de la Contre-Réforme ne lui appartenait pas : elle ne pouvait y retrouver son esprit. C’était bien un style inspiré de l’antique, si l’on veut, mais tellement dénaturé, tellement transformé en vue d’expressions nouvelles qu’elle ne le reconnaissait plus et n’avait pas assez de critiques, de railleries pour des formes qu’elle jugeait si différentes des modèles classiques. Milizia, dans le frontispice de ses Vies des plus célèbres architectes, place une gravure, où l’on voit d’un côté ce qu’il faut admirer, et de l’autre ce qu’il faut mépriser (hoc amet, hoc spernat), et comme exemple de ce qu’il faut blâmer, il dessine une église gothique et une église de la