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en brisant les frontons, toutes recherches que plus tard les maîtres de l’école néo-classique blâmèrent en les considérant comme une effroyable corruption de l’architecture. Le grand intérêt de l’art au XVIIe siècle fut précisément dans la liberté avec laquelle il se servit des formes antiques, montrant quelle souplesse elles pouvaient avoir et prouvant que les formes classiques, après avoir créé l’art grec, n’étaient pas mortes et pouvaient encore, en évoluant, créer de nouvelles formes pour exprimer les idées de civilisations nouvelles.

Un des graves inconvéniens de l’emploi des ordres pour les façades était la nature de leur décor. Si, dans le portique d’un temple grec, la cannelure des colonnes et la sculpture des chapiteaux, de la frise et du fronton, suffisaient à mettre l’ornementation nécessaire, il n’en était plus de même dans l’adaptation de ces ordres aux immenses façades des églises, et comme les architectes nouveaux accentuèrent encore la simplicité antique en supprimant la cannelure des colonnes et le décor de la frise et des frontons, cela fit un art d’une froideur et d’une tristesse profondes, et c’était précisément l’art que demandait la Contre-Réforme.

Plus tard, lorsque la tristesse disparut pour faire place aux élans de joie du Baroque, tous les efforts tendirent à embellir ces façades, et jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, toute l’évolution de l’art peut se suivre au progrès de cette ornementation.


Voyons maintenant par l’étude de quelques façades particulières ce que fut cette architecture. La façade du Gesu est le premier type de l’art de la Contre-Réforme. Ce n’est pas Vignole qui l’a construite, mais son successeur, Giacomo della Porta. Nous avons toutefois le projet de Vignole et la comparaison des deux œuvres nous fait nettement saisir les lois qui présidèrent à la transformation de cet art. Dans la façade de Vignole, largement appuyée sur le sol, prédominaient les lignes horizontales, et cet horizontalisme était encore accentué par la fragmentation de l’étage inférieur, trop divisé par des portes, des niches et des colonnes. Les modifications de G. della Porta tendirent toutes à faire paraître la façade plus haute, soit en simplifiant la complication de l’étage inférieur, soit en diminuant l’importance des parties latérales. Il concentre tout son effet sur la partie centrale, faisant nettement correspondre au centre la partie