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devait mettre une grâce légère sur les hautes murailles du palais de la Chancellerie, la Papauté ferme les yeux à tout souvenir d’élégance et de joie, et la sévérité d’Ant. da San Gallo va inaugurer dans le palais Farnèse un art nouveau, un art qui renonce à toutes les délicatesses de l’architecture pour retrouver, comme les Grecs de Poestum, dans la rudesse du dorique, la plus saisissante expression de l’énergie.

Partout, de plus en plus, les palais s’attristent et perdent de leur importance. Ce ne sont plus que des murs nus, monotonement percés de fenêtres sans ornemens, que nous trouvons aux palais Sciarra, Ruspoli, Gaetani et Sachetti. Les architectes italiens appelés en Espagne ont dit le dernier mot de cet art en construisant la formidable et lugubre prison qu’est le palais de l’Escurial.

Ce n’est pas vers les palais, mais vers la construction des églises que cet âge porte tout son effort, et après les églises ce sont les Collèges que l’on multipliera dans cette ville de Rome qui en était pour ainsi dire absolument dépourvue. Ce fut un des grands titres de gloire des Papes de la Contre-Réforme que d’avoir construit tant de maisons d’enseignement, dont les plus notables sont la Propagande, faite pour évangéliser le monde entier, la Sapienza, qui est l’Université de Rome et le Collegio romano, ce Collège des Jésuites, qui est placé au centre de la cité et qui semble en être le cœur.

La coupole de Saint-Pierre à l’ouest, à l’est le Latran, au centre le Collegio romano, voilà toute la nouvelle Rome.


II. — LA SCULPTURE ET LA PEINTURE

L’âge de la Contre-Réforme se désintéressa de la statuaire, non pas seulement parce que cette statuaire ne lui semblait pas capable de se prêter à l’expression de ses pensées, mais parce que, depuis la Renaissance, elle s’était faite trop païenne. Les chrétiens de la Contre-Réforme la proscriront comme l’avaient fait les chrétiens des premiers âges. La statuaire du XVIe siècle, au contact des statues grecques et romaines, avait cessé d’être chrétienne, et elle avait renoncé à l’expression des pensées pour ne s’intéresser qu’aux formes du corps. De morale et intellectuelle qu’elle était au Moyen âge, elle était redevenue inexpressive et toute sensuelle. Benvenuto Cellini avait bien défini la