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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/438

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La grotte et la forêt, frais asiles de l’ombre.

Les coteaux renversés dans le lac qui miroite

A côté d’un cytise Quelque feu qui s’éteint sans pâtre qui l’attise.

Les satyres dansans qu’imite Alphésibée. </poem>


C’en est assez pour que la dédicace de cette pièce à Virgile ne soit, à aucun degré, un contresens. Mais, entremêlés à ces vers d’une beauté si simple, si pure, si « antique, » en voici d’autres qu’il n’est pas sûr que Virgile eût bien compris : ceux par exemple, où l’on compare « l’antre obstrué d’herbe verte » à « une bouche avec terreur ouverte, » ou bien encore ceux dans lesquels il est parlé d’une clairière


Où l’arbre au tronc noueux
Prend le soir un profil humain et monstrueux.


Cette déformation à la fois violente et mystérieuse des impressions naturelles, cette inclination vers l’énorme et l’effrayant, n’a rien de virgilien. Que le poète la laisse voir, alors même qu’il s’adresse à Virgile, c’est donc assez significatif. Mais quelquefois il s’y abandonne plus complaisamment, comme lorsque, passant de Virgile à Albert Durer, il trace, d’après le vieux peintre allemand, un paysage de cauchemar surhumain :


Une forêt pour toi, c’est un monde hideux.

Sous la broussaille horrible et les ronces grimpantes

Les chênes monstrueux qui remplissent les bois.


Victor Hugo se déclare aussi profondément pénétré de ta pensée d’Albert Durer que tout à l’heure il se proclamait fervent disciple de Virgile. Les deux pièces figurent dans le même recueil ; elles ont été écrites la même année, à moins d’un mois de distance. Elles représentent bien, croyons-nous, les deux pôles entre lesquels oscille l’imagination de Hugo. Il est sollicité par deux visions des choses, — deux visions qui tantôt s’opposent et tantôt se confondent, réagissent l’une sur l’autre, mais qui, en leur fond, restent distinctes : l’une douce et paisible, l’autre tumultueuse et sombre. Celle-ci est