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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/454

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il se refroidit un peu pour Virgile, Hugo lui oppose (en même temps que Dante) trois ou quatre poètes latins, Plaute, Lucrèce, Juvénal. Doit-il beaucoup aux deux premiers ? On n’oserait l’affirmer, encore que la bouffonnerie de son Don César de Hazan ait une saveur parfois analogue à celle de Plaute, et que la grande poésie philosophique du De natura rerum ait pu agir sur son esprit quand il composait la Bouche d’ombre ou Dieu. Mais son culte pour Juvénal, hautement proclamé à maintes reprises, s’est traduit par des imitations quelquefois littérales, par de nombreuses réminiscences, par une ressemblance frappante dans la conception générale de la satire, pour aboutir enfin au vers que nous citions un peu plus haut :


On est beau par Virgile et grand par Juvénal.


Qu’est-ce à dire, sinon que nous souhaiterions qu’après les études de M. Chabert et de M. Guiard sur Virgile et Victor Hugo, on nous en donnât d’autres sur Hugo et Plaute, Hugo et Lucrèce, Hugo et Lucain, Hugo et Juvénal ? Ces fragmens, rapprochés constitueraient un travail sur les sources latines de Victor Hugo, qui lui-même ne serait qu’un chapitre du livre qui nous manque sur l’influence latine dans la poésie française. Car, cette influence, l’on sait, — ou l’on croit savoir, — ce qu’elle a été chez nos poètes classiques ; mais, quand on arrive au XIXe siècle, on a l’air de croire qu’elle a brusquement cessé d’exister. L’exemple de Victor Hugo est là pour nous prouver qu’il n’en est rien : si révolutionnaire qu’il ait pu être, le romantisme, sur ce point, n’a pas radicalement rompu avec la tradition de la poésie française ; quelque enthousiasme qu’il ait professé pour l’exotisme espagnol, anglo-saxon ou germanique, il est resté quand même imprégné de latinisme, — et l’on vient de voir qu’il ne s’en est pas mal trouvé.


RENE PICHON.