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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/467

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ESSAIS ET NOTICES

LES SOUVENIRS D’UN JOURNALISTE PARISIEN

Cette année a vu éclore beaucoup de Souvenirs. Quarante ans se sont passés depuis que notre sol a été envahi et la patrie démembrée. Ceux qui ont vécu l’année terrible ont voulu mettre sous les yeux des générations nouvelles les spectacles qui n’ont cessé de les hanter, comme un cauchemar dont ils ne se sont plus éveillés. Ils ont eu grandement raison. Une nation qui oublie, c’est une nation qui renonce à elle-même. Et il est des choses dont il ne suffit pas d’avoir la connaissance historique, la notion abstraite et verbale : il faut en garder en soi l’impression douloureuse, en souffrir physiquement. Les récits de ceux qui ont vu servent à prolonger en nous cette sensation de blessure toujours saignante. Mais on glisse sur la pente des souvenirs, comme sur la pente de la rêverie, et l’un nous menant à l’autre, c’est bientôt tout notre passé qui s’évoque et tout le peuple des ombres qui reprend figure et couleur. Ainsi vient-il d’arriver à M. Arthur Meyer. N’ayant voulu d’abord que joindre à d’autres sa déposition de témoin, dans une année de commémoration, les événemens d’hier l’ont conduit à ceux d’aujourd’hui par un insensible et perfide enchaînement ; après quoi, s’étant aperçu qu’il venait d’écrire ses mémoires, et tout effrayé de sa propre audace, il plaide du moins les circonstances atténuantes et écarte la préméditation.

Ces mémoires que, pour en limiter exactement la portée, il intitule Ce que mes yeux ont vu[1] plairont au public, car ce sont les mémoires

  1. Ce que mes yeux ont vu, par M. Arthur Meyer, 1 vol. in-16, Plon.