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LA FILLE DU CIEL. S3S deux des suivantes descendent aussi, Vune par l’escalier de gauche, l’autre par l’ escalier de droite^ réglant leur marche sur l’ Impéra- trice, qui reste isolée au milieu.) Le rêve, l’étrange rêve qui me chasse de ma couche, j’en subis encore l’épouvante... (Baissant la voix) lepou vante et le charme. (A ses suivantes. )Qu on éveille en hâte l’astrologue, qu’il découvre le sens d’un tel songe, et l’explique sans rien feindre. Ecoutez bien mes paroles : j’allais être la proie d’un serpent aux écailles brillantes; déjà il m’enla- çait, m’étouffait lentement de ses anneaux froids. Et, fascinée par ses yeux fixes, je n’avais pas la force de lutter; engourdie, inerte, je m’abandonnais, sans redouter de mourir: à la terreur et à la souffrance, une langueur presque délicieuse était mêlée... Un effort suprême de volonté cependant me dégagea de l’étreinte, et, rejetée soudain hors du rêve, hors du sommeil, je me prisa regretter ces anneaux mortels qui m’enserraient... Quel peut être ce présage? (Aux femmes.) Rapportez ce que j’ai dit à l’as- trologue : qu’il interroge l’inconnu, et, sans tarder, qu’il me donne sa réponse, ici même. Allez ! (Deux des suivantes sortent à ce commandement. L Impératrice continue de lentement des- cendre. Elle est seule au milieu du sentier impérial, qui est très large et dont la blancheur est comme semée de petites paillettes brillantes.) Comme la rosée brille sur le sentier de marbre! Il me semble fouler un tapis d’étoiles. Mais mon passage éteint leur lumière, et mon vêtement qui traîne change les gouttelettes étincelantes en un peu d’eau quelconque, dont le bas de ma robe est trempé. (Elle descend encore.) Pourquoi est-elle toujours devant mes yeux, l’image de cet homme que j’ai vu ce matin pour la première fois?... Pourquoi, de cette journée, où de si lourds devoirs sont échus à ma faiblesse, n’ai-je retenu qu’un regard ardent et profond, plongeant dans le mien avec une au- dace souveraine? Comment n’étais-je pas offensée par ce regard- là, pas plus que par les rayons du bienfaisant soleil, lorsqu’ils violent ma demeure?... Il me trouvait belle, et son admiration fut, pour moi, une parure plus précieuse que le phénix impé- rial de ma coiffure. Ah! j’ai bien compris, quand il s’est enfin prosterné, quel sentiment le jetait à mes pieds... Et mon fils, qui échangeait avec lui des signes d’intelligence! D’où le con- naît-il donc? Et pourquoi n’ai-je même pas osé le lui demander, comme si, de moi à mon enfant, parler de cet homme était déjà criminel?... Puissances bienfaisantes de la nuit, Esprits des