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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/582

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gouvernement la circulation métallique, trébuche les pièces et fasse rentrer à la Monnaie celles qui n’ont plus le poids droit, nous n’y faisons aucune objection. Mais il faut se garder de confondre des services de ce genre avec ceux que réclame le gouvernement, lorsqu’il demande des avances, et d’oublier que la principale différence entre les banques d’émission saines et celles qui sont sur une pente dangereuse, est dans l’état de leur compte avec le ministère des Finances. Lorsque celui-ci devient leur débiteur, toutes les inquiétudes sont permises ; elles sont d’autant plus justifiées que ce débit grossit davantage.

Il n’est pas sans intérêt de rappeler quels ont été, depuis l’origine, les rapports entre la Banque et le Trésor français. L’arrêté constitutif du 28 nivôse an VIII stipulait que tous les fonds reçus par la Caisse d’amortissement seraient versés à la Banque, qui était aussi chargée d’encaisser les obligations des receveurs généraux des départemens. Mais bientôt les rôles sont renversés : au lieu d’encaisser, elle est appelée à débourser ; le 7 juillet 1803, elle consent au Trésor une avance de 10 millions de francs, en demandant qu’ « un terme prochain soit assigné à la réalisation des valeurs qu’elle aura escomptées. » Un mois plus tard, elle escompte un nouveau montant d’obligations du Trésor, malgré la protestation de M. Delessert, qui s’oppose à cet emploi des ressources de l’établissement. Il y a plus d’un siècle, cet administrateur éclairé déclarait déjà qu’il est autant de l’intérêt du gouvernement que de celui des actionnaires et du public que l’indépendance de la Banque soit respectée. Le 20 octobre 1803, la Banque avait prêté au Trésor les treize quinzièmes de son capital. Le 24 décembre 1805, elle avait porté à 80 millions ses avances, tandis qu’elle ne détenait que 17 millions d’effets de commerce ; elle ne fonctionnait donc plus pour ainsi dire que comme prêteur de l’Etat : une crise était inévitable ; elle éclata et eut pour conséquence la réorganisation de l’établissement, par la loi du 22 avril 1806. L’Empereur avait compris le danger, et, sous son règne, la Banque ne fut plus jamais mise dans la situation périlleuse où elle s’était trouvée au lendemain d’Austerlitz.

Sous la Restauration et le gouvernement de Juillet, la Banque fut chargée d’un certain nombre de services publics, notamment de ceux des rentes et des pensions ; mais, grâce à la paix profonde qui régna de 1816 à 1848, elle fut rarement appelée à