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logique de supprimer cette borne, dès que l’obligation, pour l’émetteur, de reprendre à vue son billet, est rétablie. Nous comprenons et nous admettons les systèmes de banque dans lesquels une proportion est prescrite entre la circulation et certains élémens de l’actif, tels que l’encaisse et le portefeuille. Si une disposition de ce genre était introduite dans ses statuts, la Banque n’aurait pas de peine à s’y conformer, puisque d’une façon constante l’addition de son numéraire et de son portefeuille donne un chiffre à peu près égal à celui de ses billets : c’est ainsi qu’au 26 janvier 1911 la circulation s’élevait à 5 302 millions, tandis que l’encaisse de 4 073 et le portefeuille de 1 185 millions formaient un total de 5 258 millions de francs, inférieur seulement de 44 millions à la circulation. La proportion de l’encaisse, qui à la date précitée était, de 76 pour 100, n’est dépassée aujourd’hui qu’à la Banque d’Angleterre et à la Banque de Russie, dont les systèmes d’émission sont, d’ailleurs, beaucoup plus rigides que celui de la Banque de France.

C’est depuis que le cours forcé a été établi en 1870 que l’Etat a persisté à limiter législativement le chiffre de l’émission. Mais le cours forcé ayant disparu le 13 décembre 1877, il eût été logique de supprimer en même temps la limite, qui était alors de 3 200 millions. On n’a pas pris ce parti si simple, qui eût remis les choses dans l’ordre antérieur, sous prétexte que, tout en abolissant le cours forcé, on maintenait le cours légal, c’est-à-dire l’obligation pour les créanciers de recevoir en paiement les billets, quitte à eux à aller aussitôt se les faire rembourser en métal par la Banque. Mais qu’est-il arrivé ? Le mouvement des affaires, peu soucieux des lois votées au Palais-Bourbon et au Luxembourg, ne s’est pas arrêté ; l’or a continué d’affluer rue de la Vrillière, si bien que, à un moment donné, les guichets de la Banque refusaient au public non pas de l’or, mais du papier ; les déposans qui venaient retirer leur avoir étaient contraints, à leur grand ennui, de s’en aller portant des sacs d’écus ou de napoléons. La Banque était en effet arrivée à sa limite maximum d’émission, et forçait ses cliens à recourir à des modes de paiement archaïques, lents, coûteux, entraînant des risques et une perte de temps incompatibles avec l’organisation moderne des échanges. Une véritable clameur s’éleva de toutes parts ; et le Parlement, sous la pression de l’opinion publique, fut contraint de voter, par la loi de finances du 30 janvier 1884,