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vaisseaux-écoles. Des arsenaux et des cales sèches sont à l’étude. Une loi organique a été votée. Les escadres de l’Atlantique et du Pacifique seront soumises au même régime que les milices canadiennes. « En cas de nécessité, a déclaré sir Wilfrid Laurier, le 12 janvier 1910, le Gouverneur, par un décret rendu en Conseil des ministres, peut mobiliser la flotte et la mettre à la disposition de Sa Majesté. Il n’y a qu’une seule restriction : le Parlement doit être immédiatement convoqué. »

Elle n’a point suffi pour satisfaire les nationalistes franco-canadiens. Sir Wilfrid est parvenu à rassurer les conservateurs, les anglais de l’Ontario, partisans, sinon d’un tribut annuel, du moins d’une flotte commune ; mais il n’a point réussi à faire accepter à M. Henri Bourassa, et à ses partisans, cette transaction, digne par son élégance d’un whig authentique. Le premier ministre a été attaqué avec une violence dont seules quelques citations peuvent donner l’idée.

M. Blondin, député de Champlain, s’écrie devant ses électeurs :


Nous ne devons rien à l’Angleterre. L’Angleterre n’a pas pris le Canada par amour, ou pour planter la croix de la religion, comme les Français l’ont fait, mais pour établir des maisons de commerce et gagner de l’argent. Les seules libertés que nous ayons, nous les avons conquises par la force. Et aujourd’hui l’Angleterre essaie de dominer ses colonies, tout comme la Rome impériale d’autrefois… Nous ne devons rien aux Anglais. Ceux qui ont éventré nos pères, dans les plaines d’Abraham, vous demandent aujourd’hui d’aller vous faire tuer pour eux.


M. Henri Bourassa, qui a dirigé la campagne avec autant de talent que de succès, s’est expliqué devant un rédacteur du Daily Mail (13 décembre 1910). Le Canada peut faire l’économie d’une marine. Quels intérêts maritimes le Dominion a-t-il à protéger ? Les trois quarts de ses transactions se font avec les États-Unis par voie de terre ou de rivière. Ce transit est à l’abri de tous les canons européens. Quant au dernier quart, il est suffisamment garanti par les maximes du droit international. Les seuls dangers qui pourraient, un jour, menacer le Dominion laissent l’Angleterre indifférente. Elle serait, d’ailleurs, incapable de les écarter, et sa filiale devrait en supporter tout le poids. Quant aux périls qui inquiètent le Foreign-Office, ils ne sauraient exercer la moindre répercussion sur les destinées du Canada.