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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/637

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écrit revêtu de leurs signatures, attestant que ces vieillards, s’étaient toujours comportés en bons et fidèles citoyens.

« Ils n’ont jamais fait de peine à personne, ils ont toujours été charitables envers les pauvres et obligeant tout le monde ; ils n’ont point émigré ; ils n’ont quitté notre commune que, pour aller s’établir à Saint-Malo le 22 décembre 1792. »

À cette attestation dont les signataires déclaraient avoir été, pendant plus de cinquante ans, les témoins de l’existence du marquis et de la marquise, Le Carpentier répondit que la marquise « était de caractère furieux, violent et despote, ennemie de la Révolution, et qu’elle ne songeait qu’à renverser la Constitution. » Elle était même accusée, sans preuves d’ailleurs, d’avoir jadis tué, d’un coup de pistolet, un de ses métayers.

Lorsque, au moment de se mettre en route, ces infortunés captifs manifestèrent l’intention d’emporter des vêtemens et divers objets qui leur étaient nécessaires pour une longue route, on les obligea à se réduire à rien.

— Vous n’avez pas besoin d’un si gros bagage, leur objectait-on ; vous trouverez à Paris tout ce qu’il vous faut.

Ce qu’ils allaient y trouver, c’était la mort.

Ils partirent à trois heures du matin. Le voyage fut pénible ; ils étaient en charrette, escortés de gardes nationaux et de gendarmes qui les traitaient sans ménagemens, les vieux aussi bien que les jeunes. Le chef de l’escorte, au moment de partir, avait reçu quinze cents francs pour subvenir aux frais du voyage. Ils n’en furent pas moins livrés aux plus dures privations. Aux yeux de leurs gardiens, ils étaient du bétail destiné à l’abattoir. A Villers-Bocage, l’un d’eux, un ex-juge nommé Thurin, parvint à s’évader. La surveillance sur les autres devint plus rigoureuse. Le 29 prairial, ils arrivaient dans la capitale. Fouquier-Tinville, à qui ils étaient adressés, avait donné des ordres en vue de leur réception, et afin qu’on en terminât rapidement avec eux. Conduits à la Conciergerie, ils y passèrent deux jours, et le 2 messidor (20 juin), ils comparaissaient devant le Tribunal.

L’acte d’accusation ne relève à leur charge que des délits d’opinion, tels que celui-ci, allégué contre Magon de Coëtizac fils : « Caractère insinuant et perfide, furieux contre Marat qu’il appelait un monstre, cause de la mort du meilleur des rois. » Sur ces vingt-sept accusés, un seul fut acquitté. C’était un