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Qui était cet inconnu ? Il ne nous le dit pas et il semble bien qu’il l’a ignoré. Quant à nous, à la lumière des documens que nous possédons sur le citoyen Héron, secrétaire du Comité de Sûreté générale, nous sommes disposé à le soupçonner d’avoir été le principal instigateur de la démarche dont il n’est parlé que dans les Souvenirs de Berryer. Nous ne savons rien de plus sur les circonstances de la longue détention des frères Magon.

Nous sommes un peu mieux renseigné sur celle de leur cousin Magon de la Lande. Il était à Paris, lui aussi, depuis le mois de janvier. Incarcéré d’abord à Sainte-Pélagie, il avait été transféré ensuite à la Force. Partie de Saint-Malo derrière lui, sa femme se prodiguait pour obtenir sa mise en liberté. A peine arrivée, elle s’empressait d’adresser au Comité de Sûreté générale un mémoire dans lequel elle répondait point par point aux griefs allégués contre son mari.

« S’il est une position touchante dans la société, écrivait-elle, c’est celle d’un véritable patriote qui, calomnié sans pouvoir se faire entendre, appelle sur sa justification les regards de ses concitoyens. Tel est, législateurs, le sort auquel le citoyen Lalande Magon fils est réduit. Mais les représentans du peuple sont justes et sensibles ; ils vont écouter les malheureux ; ils vont écouter une mère qui a quitté six enfans chéris pour suivre son époux devenu malheureux. Elle se hâte de présenter au Comité les détails et les témoignages authentiques de la vie irréprochable de son mari ; elle ne veut rien ajouter : les pièces justificatives sont son meilleur appui. »

La vaillante femme abordait ensuite l’examen des inculpations dont Magon de la Lande était l’objet, inculpations calomnieuses, misérables et sans fondement. A des allégations vagues et confuses, elle opposait des certificats qui les démentaient et des faits précis appuyés de preuves. Son mari ayant été accusé d’avoir réalisé une « immense fortune » en pillant le « trésor national, » elle s’attachait à prouver qu’il la devait à ses entreprises commerciales et que, « n’ayant jamais occupé de place qui donne la manutention des deniers publics, » il n’avait pu s’enrichir au détriment du Trésor. Pour démontrer sa probité, sa loyauté, son civisme, son horreur pour l’intrigue, elle invoquait le témoignage de ses concitoyens. En un mot, elle démontrait victorieusement l’entière innocence du prévenu. Devant des juges intègres, cette démonstration eût suffi pour le justifier.