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Mais il ne pouvait être question de justification pour lui, alors que sa mort était décidée, comme celle de ses parens.

Tandis que Mme Magon de la Lande attendait une réponse qu’elle ne devait jamais recevoir, elle s’efforçait d’apporter quelque soulagement à la douloureuse situation de son mari. Elle était parvenue à séduire les geôliers de la Force ou tout au moins l’un d’eux, et chaque jour, souvent même plusieurs fois par jour, elle écrivait au prisonnier et recevait ses réponses. Nous en possédons plusieurs. Elles permettent de se figurer ce qu’était alors la vie des prisons.

En voici quelques extraits pris au hasard : « J’ai reçu, ma chère amie, les dix-huit abricots et les mouchoirs ; je t’enverrai demain mon linge ; je suis bien aise que tu aies des nouvelles de nos enfans. Je t’embrasse. » — « Il ne faut envoyer aucuns vivres, pas même des œufs, à ce que l’on dit ; c’était cependant une ressource ; il faut se soumettre à la loi. » — « Nous sommes douze dans la même chambre, ma chère amie ; nous avons onze portes pour entrer dans la cour et une seule fenêtre avec des barreaux. Dans une chambre, on nous a offert du pâté et du vin que nous avons accepté, et ce soir nous avons pris une bavaroise. » — « Je te prie de m’envoyer un lit de sangle complet et des draps de lit ; j’en ai d’affreux. »

Tous ces billets se ressemblent : dans presque tous, le prisonnier demande des objets de première nécessité qui lui font défaut dans sa prison. L’un d’eux nous laisse supposer qu’il souhaitait d’être transféré dans une maison de santé et qu’il avait compté, pour réaliser son désir, sur l’influence de son neveu Hérault de Séchelles, qui présidait alors la Convention. Mais il ne dut pas y compter longtemps, car il écrivait ensuite : « Je ne pense pas que Pt (président) réussisse pour la maison. D’après cela, on peut juger de sa bonne volonté et de son crédit qui, je crois, sont dans la même balance. »

Les documens qui nous servent de guide ne nous apprennent rien de plus sur l’existence de Magon de la Lande durant sa captivité à la Force et nous ne le retrouvons que le 30 messidor à la Conciergerie, où il fut conduit quelques heures avant sa comparution devant le Tribunal révolutionnaire. Il devait y rencontrer tous les siens, et parmi eux Magon de la Balue qu’on venait d’y conduire de la prison du Luxembourg, où il était détenu depuis le 16 floréal, c’est-à-dire depuis environ deux mois ;