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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/655

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Elle venait de faire cette déclaration lorsque le substitut Dardenne, qui siégeait au banc du ministère public, prit la parole pour confirmer son témoignage en ce qui touchait Bertrand de Saint-Pern.

— Les juges et les jurés, dit-il, devaient s’apercevoir que le fils, âgé de dix-sept ans, n’avait pas pour femme sa mère, âgée de quarante-huit ans. Ils n’en ont pas moins condamné le fils pour le père.

Au milieu des frémissemens d’indignation de l’auditoire, Mme de Cornulier reprit :

— Mon père n’était pas à Paris le 10 août ; il fut prouvé qu’il était incarcéré à Saint-Malo. Mon frère n’y était pas non plus ; il montra un certificat de résidence depuis le 1er juillet 1792, de la commune de Meslay, où il demeurait ; il produisit également son extrait de baptême et, lorsqu’il fut arrêté, il n’y avait que trois jours qu’il était à Paris.

Cette déposition, qu’allaient confirmer celles de divers témoins et notamment du gendarme Huel qu’on a vu à l’audience du 1er thermidor, assis à côté de Bertrand de Saint-Pern et commis à sa garde, était accablante pour Fouquier-Tinville et pour les jurés qui avaient condamné. Trois de ceux-ci, Renaudin, Châtelet et Prieur objectèrent qu’ils ne siégeaient pas ce jour-là. Mais la jeune femme, dans la suite de sa déposition, leur opposa un énergique démenti :

— Je déclare que le tribunal qui nous a condamnés à mort refusa la parole à mon mari et à mon frère. Lorsque nous étions dans la chambre des accusés à attendre notre jugement, mon frère, qui ne croyait pas mourir, me promettait de prendre soin de mes enfans. J’ajoute que c’est Chrétien qui m’a arrêtée, le 28 germinal ; j’étais grosse de sept mois ; il ne voulut pas me permettre de rester chez moi sous la garde d’un gendarme. Je déclare que Renaudin, Châtelet et Prieur siégèrent lors de notre jugement ; je me suis rappelé ces noms parce que mon mari, allant au supplice, me remit ses cheveux dans le paquet qui contenait la liste des jurés qui nous fut signifiée. J’offre de représenter cette liste ; elle est chez moi. Une des personnes présentes alla chercher la liste et, un instant après, la lecture qu’en fit le substitut Dardenne démontra que les dénégations des accusés étaient mensongères. On entendit ensuite un citoyen Ducrest, le citoyen Thomas et enfin le