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gendarme Huel, et ce triple témoignage acheva de prouver que la marquise de Cornulier n’avait dit que la vérité.

A dater de ce moment, après avoir entendu la sentence de mort prononcée contre les meurtriers de ses parens, elle disparaît de la scène et rentre dans la vie privée, pour ne plus s’occuper que des trois enfans qui lui restent et de la reconstitution de leur patrimoine dont le Comité de Sûreté générale s’était emparé. Elle devait vivre longtemps encore et voir s’établir son fils et ses deux filles au début de la Restauration. Quant à ceux de ses alliés qui étaient encore emprisonnés à la date du 9 thermidor, ils avaient été peu après successivement délivrés. Son père, détenu à Saint-Malo, était sorti de prison le 15 janvier, quoiqu’on l’accusât « d’avoir conservé la hauteur des ci-devant classes nobiliaires » et que, pour ce motif, on déclarât qu’il y avait lieu de le surveiller.

Les condamnations prononcées contre Fouquier-Tinville et ses complices n’avaient pas frappé tous les individus dont la cruauté s’était exercée contre la famille Magon. Elles avaient puni de mort plusieurs des juges et jurés, Fouquier-Tinville et Dupaumier, ce directeur de la prison de Bicêtre et du Luxembourg si cruel aux détenus tombés entre ses mains. Mais, Chrétien, qui avait procédé à l’arrestation de la marquise de Saint-Pern et de ses enfans, et s’était durement refusé à laisser Mme de Cornulier en liberté, bénéficia d’un acquittement.

D’autre part, le citoyen Héron, quoique dénoncé à la Convention, arrêté, traduit au Tribunal d’Eure-et-Loir, allait se dérober au châtiment qu’il avait mérité. Berryer se trompe lorsqu’il dit dans ses Souvenirs que ce triste personnage fut exécuté huit jours après le 9 thermidor, puisqu’on le voit, à une date ultérieure, compris dans l’amnistie décrétée par la Convention en faveur des auteurs de délits ou de crimes, qui avaient survécu à tant de tragiques événemens. Au reste, il ne devait pas jouir longtemps de cette impunité. Le 27 pluviôse de l’an IV (16 février 1796), il mourait obscurément à Versailles, où il s’était retiré.

Le conventionnel Le Carpentier, qu’on a vu jouer aussi un rôle dans le drame dont nous achevons le récit, devait survivre longtemps à ses complices. Nous l’avons laissé à Saint-Malo en proie à une véritable rage d’arrestation et continuant à traquer les suspects, sans se douter qu’à une date prochaine, les