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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/725

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beaucoup d’abstentions dans ces votes. Elles viennent cette fois de la Droite qui, dans une question patriotique, n’a pas voulu voter avec les socialistes, mais qui n’a pas cru devoir voter pour le ministère, puisqu’on lui a dit une fois pour toutes que ses votes ne comptaient pas.


Deux crises ministérielles ont éclaté, l’une en Russie, l’autre en Italie. En Italie, on est revenu à la vérité parlementaire en appelant au ministère M. Giolitti, qui était le chef de la majorité de la Chambre et par conséquent le vrai maître de la situation. C’était, de la part d’un homme comme M. Luzzatti, un acte de modestie d’avoir accepté le pouvoir dans les conditions où il l’a exercé. Sa haute personnalité dissimulait autant qu’il était possible ce que la situation avait d’anormal et même de faux. M. Giolitti se reposait et attendait son heure. Tout porte à croire qu’il l’aurait encore attendue volontiers quelque temps, mais les événemens lui ont forcé la main. Dans une première combinaison, il avait confié un portefeuille à un socialiste, M. Bissolati, qui, au dernier moment, s’est récusé pour des motifs de convenance personnelle : on peut considérer toutefois la crise comme terminée. M. le marquis di San Giuliano reste aux Affaires étrangères, ce dont l’Europe ne peut que se féliciter.

La crise russe est plus grave : peut-être ne fait-elle que commencer et est-il trop tôt pour en parler en pleine connaissance de cause. La place nous manquerait d’ailleurs aujourd’hui pour le faire avec les développemens que le sujet comporte. M. Stolypine a inspiré une profonde estime au monde entier ; il a montré, depuis qu’il est au pouvoir, un courage, un sang-froid, une persévérance qui, poussés à ce degré, sont des qualités infiniment rares. Quand bien même il y aurait dans sa conduite actuelle des détails auxquels on ne pourrait pas donner une approbation explicite, il faudrait attendre pour les désapprouver et se dire qu’on n’en connaît probablement pas très bien les intentions et les motifs. Quelle que soit la haute valeur de M. Stolypine et peut-être à cause de cette valeur, il a des ennemis qui travaillent activement contre lui et qui ont fini par lasser sa patience. Ils ont fait échouer au Conseil de l’Empire une loi sur les zemstvos des provinces de l’Ouest à laquelle il attachait une importance primordiale : c’est là-dessus qu’il a donné sa démission. On parlait déjà de son successeur, on en nommait même plusieurs, lorsque le bruit a couru que de très hautes interventions s’étaient exercées sur lui pour ramoner à retirer sa démission et à rester à la tête des affaires. Homme de devoir comme il l’est,