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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/771

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MÉRIMÉE.

tout, pour tout, contre tout, à propos de tout. Pour transporter les cartons de tel ministère d’un côté de la rue de Grenelle à l’autre, on fait une loi ; et une loi pour les monumens, une loi pour l’art, une loi pour la nationalité de la France, une loi pour les souvenirs, une loi pour les cathédrales, une loi pour les grands produits de l’intelligence humaine, une loi pour l’œuvre collective de nos pères, une loi pour l’histoire, une loi pour l’irréparable qu’on détruit, une loi pour ce qu’une nation a de plus sacré après l’avenir, une loi pour le passé, cette loi juste, bonne, excellente, sainte, nécessaire, indispensable, urgente, on n’a pas le temps, on ne la fera pas ! » On l’a faite, en 1887, cinquante-cinq ans plus tard. Mais le cri des poètes et des historiens n’avait pas été perdu, car, en 1830, le gouvernement de Louis-Philippe créa l’inspection des monumens historiques, dont Vitet fut le premier titulaire.

En même temps que la guerre était ainsi déclarée aux démolisseurs, les antiquaires commençaient l’étude raisonnée des monumens du moyen âge. Millin voyageant dans le Midi de la France (1807) en décrivait les édifices chrétiens. Mais le véritable fondateur de l’archéologie médiévale est Arcisse de Caumont. En 1824, il n’a que vingt-trois ans, et publie son Essai sur l’Architecture du moyen âge, particulièrement en Normandie. En 1830, il commence son Cours d’antiquités monumentales. En 1832, il constitue une sorte de ligue entre les archéologues du Poitou, du Maine, de la Touraine et de la Normandie pour défendre le baptistère de Saint-Jean contre la municipalité de Poitiers, et de cette association fortuite naît, en 1834, la Société française d’archéologie dont on sait les glorieuses destinées. Vers la même époque, Du Sommerard rassemble dans son cabinet d’amateur une merveilleuse collection d’objets de la Renaissance et du moyen âge. Tel est l’état des esprits et tel est l’état de la science archéologique, lorsque Mérimée devient inspecteur des monumens historiques.

Il partage les indignations de Victor Hugo contre les vandales. Il a le goût de l’histoire et l’a montré dans tous ses écrits ; il est, comme tous ses contemporains, curieux du moyen âge, et l’a bien prouvé en composant les « scènes féodales » de la Jacquerie. Mais pour l’étude des monumens, il n’a d’autres guides que les premiers essais de Caumont et le rapport que son